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 "L'Humain d'Abord"

ou le retour de Garaudy

(D.C.O)

A propos du mot d’ordre petit-bourgeois : « L’Humain d’Abord » !
( A nouveau sur la victoire posthume du Garaudisme.)
 
Avec la victoire du point de vue réformiste dans le parti resurgissent les vieux concepts et slogans que l’on croyait dépassés, ils tiennent à nouveau le haut du pavé. L’Humanisme Théorique fait un retour en force 50 ans après la querelle fameuse des années 60, son offensive théorique dans le parti fit rater une possible déstalinisation marxiste, au profit d’un retour à l’idéologie du 18ième siècle, une réinscription de la toute puissance du « sujet» individuel, que l’Histoire contemporaine aurait méconnue et bafouée. La querelle d'Argenteuil (lieu d'un comité central célèbre sur la question de la culture et des intellectuels) accouchait d'une dénonciation éthique d'un système soviétique qui n'aurait pas respecté sa propre légalité. Légalité idyllique, puisque la constitution de 1936 de l'URSS était définie par l'ensemble du Mouvement Communiste International de l'époque comme la plus avancée et la plus démocratique qui soit, l'aile droite du Mouvement Communiste International assimilant la défaite du travailleur soviétique non pas à une victoire d'une classe contre une autre, mais comme la défaite humaniste d'un sujet de droit face à ses institutions. La légalité socialiste aurait été violée, C'est en partant de cette négation de l'URSS comme société de classes, que le recours au social et à l'humanisme vont s'engouffrer et devenir des valeurs dominantes dans le P.C.F.
 
Elles favorisent la restauration d'un lien universel avec le passé, entre autres l' humanisme religieux et l' humanisme bourgeois, que le bolchevisme aurait maltraités par sa méconnaissance. Au nom de cette vision de l' Histoire, Il s'agit de se réapproprier la "grande" culture passée, pour réaffirmer une continuité humaine et civilisationnelle, bafouées par l'excès révolutionnaire (On voit où l'historien Furet - ex membre du PCF, et stalinien zélé en son temps- est allé chercher sa négation du bouleversement révolutionnaire comme processus progressiste).
La thèse du "culte de la personnalité", formulation introuvable dans le marxisme, s'inscrit dans cette logique. Il s'agit de pratiquer une lecture humaniste  d'origine "religieuse", d'un fait politique et économique de classe, que l'on cherche à tout prix à dénier.

Aujourd'hui nous voilà à nouveau embarqué dans le même bateau que les idéologues petits- bourgeois et religieux pleurant sur  une humanité en souffrance. Toutes ces Ligues « Droit de l’Hommiste» et tous ces caritatifs, pour qui il est urgent de faire du «social-sociétal» d’abord ! Tous ces "frères" en partage caritatif reprochent au monde de « l’argent » son manque de compassion pour ceux qui souffrent. Nos Héros sont les modernes admirateurs des ordres mendiants, des ecclésiastes dans le monde, ils font "don" de leur personne pour témoigner avec «Christ» que lui aussi a souffert et qu’il a bien vécu pauvre parmi les pauvres.
 
La gratuité, le don, le partage, le non-marchand etc. ,toute l’idéologie du christianisme social  (et de son petit frère, l'anarchisme) a totalement envahi l’espace de réflexion de la direction nationale du P.C.F, nous voilà nous aussi, pour les "pauvres" contre les «riches». C’est le retour au socialisme utopique, au pré-marxisme de Flora Tristan créatrice du premier parti ouvrier, et son célébrissime slogan : « Frères de tous les pays, Unissez-vous! »

La destiné humaine, sa souffrance, quel beau sujet pour l’humaniste, pour l’homme d’église comme pour l’homme d’appareil politique qui se penchent avec commisération sur la pauvre condition de l’exclu, du prolétaire, de l’ouvrier. «Il y a des hommes qui souffrent, Frères - Camarades, et nous les accompagnons sur leur chemin de misère, ce Golgotha de l’existence».
Voilà le fonds idéologique dans lequel nous nous embourbons aujourd’hui, toute la question est de savoir pourquoi, car autant cette vision des rapports humains a pu jouer en son temps un éminent rôle progressiste et constituer une justification historique au regard du conservatisme de l’idéalisme religieux dominants, puisqu'elle oppose la thèse "c'est l'Homme qui fait l'histoire" à la thèse "c'est Dieu qui fait l'histoire" autant on peut s’étonner qu’elle ait fini par l’emporter dans un parti dit «révolutionnaire» dont le but des origines était le bouleversement des rapports "sociaux" .
La réalité oblige à constater que, plus le PCF a tourné le dos au cours de son histoire à ses objectifs d’origine, plus il a dû substituer des valeurs prises à d’autres représentations du monde pour rendre compte de l’injustice sociale et justifier de son renoncement à en bouleverser totalement l’ordre économique. L’Humanisme Social est apparu comme le refuge naturel, d’un groupe dirigeant fatigué, que la crise du stalinisme avait profondément ébranlé dans sa domination, tant vis-à-vis des masses que vis -à-vis des adhérents de base du parti. Il fallait maintenir la hiérarchie des structures institutionnelles, la délégation de pouvoir, tout en donnant l’impression que l’on avait entendu et compris la volonté de changement des masses de l’Est, comme de l’Ouest. Et quoi de plus «naturel» que de s’adresser d’abord à chacun d’entre eux, de s’adresser au sujet individuel, en le reconnaissant comme sujet en «souffrance», comme sujet méritant le compassionnel. Le capitalisme entraîne la misère, il dépossède, il prolétarise, et que demande l’individu quand on s’adresse à lui comme sujet humain, naturellement, qu’on le reconnaisse dans sa singularité souffrante, dans ses problèmes à lui.
Tout cela l’aile réformiste du parti l’a très bien compris, la classe politique bourgeoise comme la caste religieuse qui en ont fait leurs choux gras, depuis des siècles, ont suscité la réflexion de nos profonds philosophes "communistes" près à «révolutionner» leur représentation du monde. «Si cela marche pour eux, pourquoi pas pour nous. Le Stalinisme c’est « le culte de la personnalité», nous avons trop aimé un individu, voilà la cause de la déviation » nous ont-ils doctement expliqué, et immédiatement certains se sont posés la question: «Si nous avons trop aimé un homme au point de lui rendre un culte, n’est-ce pas parce que nous avons trop mal aimé nos frères, aimons- nous les uns les autres, et rapprochons nous de l’église et des hommes de Dieu.» ce fut la ligne de Garaudy, l’un des idéologues officiels du parti des années 60, qui rejoindra les catholiques avant de devenir un islamiste chantre du révisionnisme de la Shoa.
Les années 60 furent la grande époque du rapprochement avec l’église, celles des conférences à la Mutualité de Paris, où l’on venait « s’encanailler de valeurs communes » avec des théologiens et des membres du clergé, des jésuites devenus de fervents marxistes, tout en évitant les sujets qui fâchent: la hiérarchie, le mariage des prêtres etc. ce que nous reprochaient nos petits camarades du PSU, nos concurrents directs pour savoir qui était le plus humaniste des deux. Eux nous opposaient :« L’homme en souffrance, l’homme sartrien en situation, qui s’engage et qui vit, frère parmi ses frères, alors que les «staliniens» ne font que respecter la hiérarchie à Rome comme à Moscou ».
Pourquoi rappeler tout cela aux jeunes militants, tout simplement parce que le parti n’a plus de mémoire, il n’y a plus de transmission des débats et des idées qui ont déjà été traités et résolus, et on peut aujourd’hui ressortir des slogans éculés du type «L’Humain d’Abord!» sans que personne ne réagisse, comme si cette bouillie idéologique était une idée neuve. Roger Garaudy doit être heureux comme un petit pape, dans sa tombe, son point de vue a fini par l’emporter sans qu’il ait besoin d’être présent. Comme dirait le camarade Freud « C’est la victoire du refoulé sur toute la ligne !».
Mais entre temps, nous aurons vécu sous la direction d’un Robert Hue idole des catholique de gauche, d’une Marie-George Buffet dont on voudra bien se souvenir qu’elle est entourée de tout un groupe d’anciens J.C qui durant les années 80-90 ont réussi à faire défiler leurs maigres effectifs sous des drapeaux blancs sous prétexte que le rouge apparaissait comme une couleur ringarde (voir un numéro d’anthologie du journal des J.C, l’Avant - Garde où cela était doctement expliqué), il ne leur manquait plus que la Croix- Rouge des ordres de Jérusalem, et nous aurions eu la panoplie complète qui fonde l’ imaginaire idéologique de la Démocratie Chrétienne quand elle se croit de gauche. (Ceci pour expliquer comment feu le P.C.I, qui a beaucoup influencé tout cet univers là, a fini, non pas Rose au poing, mais Marguerite à la boutonnière, dans le même parti que les anciens Démocrates Chrétiens).

Abandonné le projet de la nécessaire rupture révolutionnaire, abandonné la nécessité d’abolir la propriété privée des moyens de production, la nécessité du collectivisme, voilà où cela conduit. Il ne reste plus pour ces pauvres penseurs, que la niche du compassionnel, du caritatif associationniste, du mouvementisme indigné, autrement dit des « Petites frères des Pauvres » qui vous le savez, en langage laïc, se traduit par « Secours Populaire Français » cette association, dont le dirigeant est si fier d’avoir liquidé « le Secours Rouge » historique.  (voir son article dans l'Humanité qui constitue une anthologie de ce que le réformisme peut produire, dans le type révisionnisme du brave type, révisionnisme de l'honnête homme) Miséréré –Miséréré !
Je pourrais continuer pendant des pages, mais étant un militant communiste et pas seulement un encarté politique, j’ai aussi un devoir de formation vis-à-vis de la jeune génération, voici donc les bonnes pages de la seule réponse possible à la déviation humaniste bourgeoise, produit naturelle de la déstalinisation de droite qui a triomphé dans le Mouvement Communiste International et qui se traduit aujourd’hui par le social-démocratisme caritativo-réformiste qui envahit notre espace idéologique.

Le meilleur pamphlet théorique pour répondre à ce galimatias idéologique reste l’ouvrage de Louis Althusser « Réponse à John Lewis », il faudra bien un jour que ce livre soit réédité. Je pourrais en publier des chapitres, mais cela reste fastidieux, j’ai donc choisi d’en reproduire l’esprit accompagné d’extraits. John Lewis philosophe membre de la droite communiste anglaise publie en 1972 un article dans lequel il dénonce les positions de Louis Althusser et glorifie l’humanisme intégral. Depuis, il a quitté le PCGB après l’avoir pratiquement liquidé, comme toute la clique révisionniste qui avec lui a rejoint la social-démocratie britannique, ou a fini dans les limbes de la critique éthique des « intellectuels de gauche » anglais, si efficaces face à Thatcher et à Tony Blair. Aujourd’hui nos camarades du P.C.B renaissent à nouveau, le parti se développe, une chose est certaine ce n’est pas grâce à cette ancienne clique de liquidateurs, qui auront trouvé à n’en pas douter dans la philosophie anglaise tous les justificatifs possibles d’une hypertrophie du «sujet» et de sa liberté. Depuis les années 20 le mouvement ouvrier britannique et américain servent de lieu de laboratoire à l’offensive anti-ouvrière et anticommuniste mondiale, l'univers anglo-saxon fer de lance de la culture libérale individualiste, haut lieu du monarchisme constitutionnel et du provincialisme (régions anglaises, "Etats" américains), porte les traces de la pensée contre-révolutionnaire qui a triomphé idéologiquement d’eux. L’individu, l’humain, l' " habeas-corpus" sont portés aux pinacles face à ces sales partageux qui ne raisonnent qu’en terme de classes et de masses.

"Voilà,- nous rappelle Althusser- les trois thèses qui résument la philosophie de Marx selon l’idée de John Lewis :
Thèse1 : C’est l’homme qui fait l’histoire 
Thèse 2 : L’homme fait l’histoire en transcendant l’histoire
Thèse 3 : L’homme ne connaît que ce qu’il fait
« L’homme fait l’histoire » car l’homme cherche à la transformer, il nie ce qui existe, il cherche donc à la transcender. L’homme cherche donc à nier l’histoire qui elle-même est une négation de l’histoire passée. C’est la fameuse dialectique de la négation de la négation. Une première constatation conduit à reconnaître qu’un tel phénomène parce que l’objet sur lequel l’homme agit apparaît d’essence commune : l’Histoire. On ne pourrait pas dire que l’homme qui agit sur la matière transcende la matière (Althusser prend l’exemple d’un menuisier, si la table est de bois et qu’elle est faite par l’homme on ne peut pas dire que c’est l’homme qui fait le bois, le bois est un produit de la nature).
Dès lors qu’est ce que « faire » l’histoire. Pour fabriquer il faut chaque fois un outil et un objet, ici l’histoire est à la fois matière première et produit fini. L’homme seul, l’individu, fait l’histoire ? Quel est cet être, ce sujet, qui possède une telle capacité ? Dans l’histoire de la philosophie nous rappelle Althusser on connaît un seul sujet philosophique qui est été posé comme possédant un tel pouvoir c’est « Dieu ». Dieu, nous rappelle Althusser, a la capacité de « faire » la matière avec laquelle il fait « le monde », mais l’homme – dieu de la philosophie de Lewis n’est par hors le monde, il est dans le monde, il est dans l’histoire, comment fait-il alors pour s’en extraire?
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Autre extrait essentiel:
«Le bonhomme de J. Lewis est un petit dieu laïc qui est comme tout le monde, je veux dire comme tous les êtres vivants, « dans le bain », mais qui est doté du prodigieux pouvoir de liberté de sortir à chaque instant la tête de l’eau et de changer le « niveau » de l’eau. Un petit dieu sartrien toujours « en situation » dans l’histoire, doté du pouvoir inouï de « dépasser » toute situation et de dominer « toute situation » toute servitude, de résoudre toutes les difficultés de l’histoire, et d’aller vers les surlendemains qui chantent de la révolution humaine et socialiste: l’homme est par essence un animal révolutionnaire parce qu’il est un animal libre.» "Réponse à John Lewis" p. 21-
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Notre commentaire :
Cette représentation correspond au fonds idéologique de la définition de l’évolution de l’histoire comme transcendance. La philosophie de la transcendance a été le maître mot de l’école philosophique religieuse platonicienne, plus tard, nous rappelle Althusser, ce sont les théologiens augustiniens puis thomistes qui ont continué cette philosophie. Après le féodalisme le concept a été repris par l’école hégélienne, et elle est devenue le nom de la philosophie de la liberté dans la représentation bourgeoise. C’est pourquoi elle est un élément fondateur de l’idéal petit - bourgeois de la toute puissance du sujet.
Autant la philosophie humaniste qui affirme: " l’homme fait l’histoire" fut à l’âge de la toute puissance du féodalisme religieux une philosophie progressiste, puisque elle s’opposait à la thèse «c’est Dieu qui fait l’histoire», autant depuis le passage au stade monopoliste impérialiste, elle est devenue incapable de rendre compte de la figure moderne et antagoniste capitalisme impérialiste, le sujet collectif, masses, classes, travailleur-collectif.
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Autre extrait :
«Quand cela est clair, la question du «sujet» de l’histoire disparaît. L’histoire est un immense système « naturel-humain » en mouvement, dont le moteur est la lutte des classes. L’histoire est un processus, et un processus sans sujet. La question de savoir comment « l’homme fait l’histoire » disparaît complètement ; la théorie marxiste la rejette définitivement dans son lieu de naissance: dans l’idéologie bourgeoise. Et avec elle disparaît « la nécessité » du concept de « transcendance » dont l’homme serait le sujet. 
Cela ne veut pas dire que le M-L perde de vue un seuls instants les hommes réels. Tout au contraire ! Puisque c’est pour les voir tels qu’ils sont et pour les libérer de l’exploitation de classe, que le M-L accomplit cette révolution : se débarrasser de l’idéologie bourgeoise de « l’homme » comme sujet de l’histoire, se débarrasser du fétichisme de «l’homme».
Certains vont s’indigner que j’ose parler du fétichisme de l’homme. Ceux sans doute qui tirent du chapitre de Marx sur «le fétichisme de la marchandise» deux conclusions idéalistes nécessairement complémentaires : la condamnation de la réification [i.e. : transformation en chose (Res) de tout ce qui est humain, c'est-à-dire en non-chose (l’homme=non-chose=personne)] et l’exaltation de la personne (mais le couple personne/chose est à la base de toute l’idéologie bourgeoise ! Mais les rapports sociaux ne sont pas, sauf pour le droit et l’idéologie juridique bourgeoise des «rapports entre personnes!". Pourtant c’est le même mécanisme de l’illusion sociale qui est en jeu : quand on considère qu’un rapport social est la qualité naturelle, l’attribut naturel d’une substance ou d’un sujet.
Ainsi la valeur : ce rapport social « apparaît » dans l’idéologie bourgeoise, comme la qualité naturelle, l’attribut naturel de la marchandise ou de la monnaie. Ainsi la lutte des classes: ce rapport social «apparaît » dans l’idéologie bourgeoise comme la qualité naturelle, l’attribut naturel de « l’homme » (liberté, transcendance). Dans les deux cas, le rapport social est « escamoté» : la marchandise ou l’or ont de la valeur par « nature », l’ « homme » est libre et fait l’histoire, par nature. ».
                                 - Louis Althusser. p. 31 « Réponse à J. Lewis » Maspéro 1973 -
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Notre commentaire :

Dans l'esprit de l'anti - humanisme théorique, à quoi nous restons politiquement fidèles, nous avons montré dans d'autres articles présents sur ce site, que l’opération révisionniste consistant à jouer sur les mots et les représentations prenait sa source dans l’utilisation du mot « rapport »  et sa réduction à l’une de ses désignations, quand il se présente sous la forme d’une de ses « manifestations » : la Relation.
Toute l’opération opportuniste petite bourgeoise débouchant sur la stratégie actuelle d’engluement dans l’éternisation du « Droit de l’hommisme », droit naturel, le rétablissement d’une prétendue toute puissance de l’homme, toute puissance du sujet dans l’histoire;  cette politisation du compassionnelle, de l’indignation, du vécu, du relationnelle, prend sa source ici. Pour les révisionnistes, pour les réformistes, et les prêtres (même quand ils sont laïcs), il n’existe entre les individus que des relations (quelles soient humaines ou sociales). Toute l'opération de relecture de Marx, tendant à restaurer le psychologisme au nom de la conscience (vraie ou fausse) révolutionnaire ou réformiste, a pour but cette finalité. Il s'agit de réintroduire du fonctionnalisme, du finalisme, au dépend du structuralisme systémique.
Et pour mettre en place ce révisionnisme, le courant droitier libéral-bourgeois, se sert de l'ambiguïté de l'expression "sociale" qui  peut désigner à la fois une relation ( le face à face ) et un rapport ( la domination) [ Ce en quoi il est préférable de lui choisir le concept de Sociétal ].
 
Qu'est-ce qui mobilise la "conscience"? C'est la reconnaissance. Qu'est-ce que je reconnais comme autre moi-même ? Celui qui apparaît (et donc qui est éclairé, visible) devant moi. Celui qui apparaît devant moi est ce double qui me permet de "m'identifier" (y compris quand le reflet provient d'un miroir (Lacan)). C'est pourquoi on m'accorde des "papiers d'identité". L'Etat ne me dit pas " "je" t'accorde des papiers d'assujétissement ( tu es un homme, une femme, fils de etc..) non, l'Etat en tant qu'il est un Appareil Idéologique d'Etat, me dit " "Je" te reconnais dans ta singularité", ce qui prouve que "moi" ETAT, je ne suis pas un instrument de domination, mais l'expression concentrée des volontés communes. Une trancendance institutionnalisée de la condition humaine traduisant une volonté commune.
Autrement dit, si rien n’échappe à la conscience humaine, le non-connu, le masqué, sont, pour eux, essentiellement du non-conscient (psychologisme) et non de l'inconscient (psychanalyse). Pour tout le courant de l'humanisme bourgeois, la psychanalyse n'est qu'un sous continent de la psychologie, "l'inconscient" ne désigne que du non-conscient qui s'ignore. « L’éclairage » de ce continent inconnu résoudra la situation (D’où le rôle fondamentale que joue la philosophie des «Lumières», dans ce dispositif, il faut redonner à l’homme sa pleine conscience, sa pleine connaissance. il faut lui "éclairer" le chemin, l’homme intégral, l’homme total, ne peut se connaître, ne peut retrouver l’Idée, la pleine réalité du Concept, qu’en découvrant ce qui est déjà là, et qui ne demande qu’à être vu ( senti, touché, entendu         (sensualisme)) , la topique spatiale est linéaire, le paradigme se réduit à un syntagme : aidons le à «prendre conscience», signifie aidons le à «bouger» sur cet axe, et ne bouge dans ce dispositif idéologique, que ce qui circule, et qui permet de faire "apparaître», d'éclairer, et donc de prendre connaissance, en prenant "conscience".
La circulation, l’échange, derrière la ressemblance, permettent seules la "réalisation" par identification (de l'homme comme de la marchandise), ce qui favorise l’opération idéologique de "validation". Qu’on le veuille ou non le cœur du psychologisme comme représentation philosophique est un calque de la situation du citoyen-propriétaire du marché. Dès lors, il suffit de «savoir » pour «pouvoir» et pour «maîtriser» (Voir l’œuvre de Michel Foucault, pour toutes les illusions sur ce sujet, et notamment sa critique du système panoptique de Bentham).
A l’opposé, la théorie marxiste de l’exploitation, par la «déconstruction» qu’elle instaure, restitue une profondeur de champ, une structuration qui ne tient pas d’une linéarité à éclairer, d’une mise en lumière relationnelle. Affirmer, que derrière le profit, se dissimule la plus-value, pose révolutionnairement le fait que le rapport "social" [sociétal] relève d’abord et avant tout, d’une mécanique de «l’inconscient » du système d'exploitation qui reste à découvrir, et que la "manifestation", l'autre nom du comportement, qui «apparaît comme», «ressemble à» se présente sous le masque d’une expression relationnelle qui, derrière le naturel de son évidence, escamote les mécanismes mis en œuvre. La relation, comme toute manifestation de socialisation humaine, a besoin d’être décryptée, il faut appréhender sa structuration comme signe de l’échange, comme sémiotique et loi sociale qui échappent à la volonté humaine et s’imposent à elle, comme une construction de rapports qui phagocytent et déterminent les relations humaines.
L’homme « se » fait, ou cherche à devenir « sujet » dans un univers qui l’assujettit. En devenant « acteur » d’un tel cadre, se libère- t’il ou au contraire s’englue- t’il dans une, ou des dominations, qui le dépasseraient, alors même qu’il « croit » s’en libérer ? Le mythe de la « transparence », de la société se réappropriant elle-même, celle de la possibilité de créer un homme tout puissant à qui rien n’échapperait, débarrassé une fois pour toute de ses « aliénations » est au cœur du libéralisme et de ses illusions, que celui-ci soit d’essence bourgeoise ou « marxiste ».
Il n’a pas échappé aux marxistes révolutionnaires que l’idéologie juridique est au cœur de l’opération « personnalisation », le grand juriste marxiste E. Pasukanis à démontrer que la théorie du sujet et sa dialectique à l’objet comme double et miroir, sont la transcription des relations marchandes apparues dès les premiers échanges humains, dès la constitution des premiers marchés, dès l’apparition de la bourgeoisie. La théorie du droit de l’hommisme, et son respect, est la transcription à peine masquée du sujet échangiste, de la socialisation des individus via le marché, de leur égalité « formelle » sur celui-ci, et du respect de ses règles pour établir et conserver une justice sociale de la relation. Cette transcription philosophique de la libre circulation, en une liberté de tous les sujets, est au cœur de la philosophie des lumières du 18ième siècle, elle est au cœur de la définition française de la citoyenneté comme personnalisation de sujets « ayant droit », le citoyen – propriétaire est un sujet « libre » car il peut en « conscience » affirmer par ses capacités intellectuelles et créatives, être propriétaire de ses biens comme de ses actes, et donc de sa « personne ». Le psychologisme et le juridisme prennent leurs sources ici, et en un mouvement dialectique nourrissent, l’économisme. L’Homo – Economicus fonde la théorie des « sujets »-propriétaires, base indispensable de l’existence des marchés et de leur « interpellation » en sujets conscients, c'est-à-dire en sujets « libres » d’établir une transaction, une relation, un échange, et donc de projeter sur l’objet un pouvoir relationnel, la marchandise, et son substitut : la monnaie – signe.
C’est pourquoi et en apparence, sur le marché, il n’existe que des citoyens- propriétaires qui « volontairement» apportent leurs marchandises, leurs biens ou services; leur capital comme leur force de travail. Le marché « valide » la relation de sujets « libres » et c’est bien comme cela que l’idéologie juridique les reconnaît, les interpelle, les assujettit, pour mieux les définir et les encadrer. Le droit des personnes devient le droit de la Personnalité « juridique », les entreprises, les capitaux, sont reconnues comme des sujets de droit (entreprises privées, entreprises publiques). La chose se retrouve munie d’un statut de personnalisation, et par là, munie d’attributs humains. L’objet se subjectivise et par la même s’active.
Quand la théorie de la « réification » prétend remettre en cause la « chosification » du sujet, elle oublie qu’il existe tout autant dans l’idéologie bourgeoise, ceci dialectiquement, une subjectivisation de l’objet. Et dans ce qu’elle interprète comme une libération de « l’homme » elle est totalement incapable de dire si l’objet « homme », si l’« être» humain, en se subjectivisant, se libère ou s’assujettit. Le matérialisme marxiste pose très clairement que l’être détermine la conscience, et non la conscience l’être, s’il y a un phénomène de subjectivisation de l’objet, de l’être, cela ne peut pour le marxisme révolutionnaire se faire qu’au sein d’une représentation du monde déjà existante, rien ne sort de rien, et donc en ayant recours aussi et principalement aux valeurs évidentes qui l’entourent, aux valeurs dominantes, qui sont celles de l’idéalisme et de l’idéologie dominante. A moins d’en tenir pour la théorie de la négation de la négation, la théorie de la transcendance, qui en dernière instance finit toujours par s’accoquiner au déisme : au Verbe. C’est pourquoi, et ceci est incontestable, si Marx a commencé par être sensibilisé à la nécessité du bouleversement révolutionnaire au travers des « injustices humaines », il a très vite abandonné ce point de vue circulaire, qui ne menait nulle part, pour s’intéresser à la question de la « libération » des classes sociales et aux mécanismes de la lutte des classes qui en sont le moteur. Il a substitué à une fausse dialectique du sujet et de l’objet, celle d'un rapport social toujours déjà là. L'individu naît dans une société, c'est la société qui le subjectivise, en lui accordant un nom, un état civil, en l'inscrivant dans une histoire déjà en mouvement. Seule l'idéalisme, notamment le plus conséquent d'entre eux, l'idéalisme religieux, prétend que la société fut créée par l'échange de 2 individus (Adam et Eve) (ce qui fonde l'humanité comme produit de l'échange et des relations) ou mieux encore créée par un seul "individu" se dédoublant (le Père et le Fils), le Sujet s'interpellant en sujets. Parler de création oblige à parler d' Origine et de Fin, de poule et d'œuf, d'objet et de sujet.
L’histoire est un procès sans « Sujet» ni Fin, nous a magistralement rappelé le camarade Althusser (vision religieuse). Pas plus que le capitalisme, le communisme, n’est la fin de l’histoire, et pas plus que le capitalisme, la société communiste est une société de transparence où l’homme vit « sujet » libre et désillusionné car non enchassé dans des rapports sociaux.
A l’interprétation d’un espace social construit sur des relations de fonctions, Marx a substitué celle d’une topique sociétale agie par la mise en œuvre inconsciente d'une structuration systémique. Nous sommes dans un système, le système capitaliste, et non pas dans une société neutre de fonctions technocratiques relationnelles. Seul le système communiste comme système antagoniste « peut » le détruire, l’annihiler. Tous ceux qui volontairement ou involontairement ne combattent pas pour le communisme peuvent donc être légitimement considérés comme des agents de la bourgeoisie, même s’ils ne se perçoivent pas comme tels ( ce qui est naturel car tout dans la société capitaliste est là pour leur donner l'illusion qu'ils sont des sujets libres, dans un environnement sans caractéristiques) . Tous ceux qui au nom de la « Liberté » des « acteurs » sociaux prétendent travailler à construire un "scénario" de leur libération, masquent d'abord et avant tout que les règles du jeu échappent à la volonté des sujets et que ce n’est qu’en s’intéressant aux mécanismes de la mise en scène sociale et sociétale, et non à l’histoire qui s’y joue comme à toute théorie des jeux, que l’on peut subvertir la théâtralité existentielle qui s’y affiche.
 
Le vivant dans le capitalisme ne devient théâtre que parce que toute la société bourgeoise est une fiction, de « sujets » « libres » s’interpellant en « sujets » « libres ». C’est pourquoi, toutes les méthodes d’activation des « sujets » dans la société bourgeoise capitaliste sont aussi directement ou indirectement, des méthodes de soumission à l’idéologie dominante, à l’idéologie bourgeoise. (La Psychologie Sociale, l'Education Comportementale, la Dynamique de Groupe, la Gestion des Ressources Humaines, et autre théories managériales, etc. Toutes ne poursuivent qu’un seul but : sauver le capitalisme.)

Les relations sociales sont-elles des relations directes entre les hommes et si elles ne le sont pas, la tâche du mouvement révolutionnaire est-elle de les faire advenir ?
En tant que salarié, est-ce que l’individu rencontre son employeur comme individu, comme homme; voire même Personne, ou est ce qu'il rencontre un sujet économique (un Agent) porteur d'un rapport social ? Autrement dit, un patron exploite - t'il parce qu'il est méchant (psychologisme), ou parce qu'il ne peut pas faire autrement (système) ?
 
Si c'est lui le responsable (psychologisme), alors il faut le dire clairement, un jugement "expéditif" suffira. Si c'est un système et non une collection d'individus que nous combattons, il est alors vain et contre productif, voire contre révolutionnaire, de proposer une philosophie humaniste consolante au pauvre salarié, pour lui fournir la solution à la crise générale du système.
Nous avons besoin d'une organisation de combat et non d'un conglomérat de petites frères des pauvres pour nous opposer au capitalisme pourrissant et agonisant. Je constate, j’entends, que les non-communistes sont des agents « agis » de la bourgeoisie, et que par la même on peut en partie considérer qu’ils n’en sont pas responsables. Je ne comprends, ni n’admets, que des gens qui se disent « communistes » en reproduisent, véhiculent, diffusent, l’idéologie.

P.M

 

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