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« Qu’est-ce que le communisme ? »

 

A propos de l’ouvrage de Georges Cogniot

(Edition 1960)

Georges Cogniot a été l’un des principaux idéologues du PCF durant des années, de la fin des années 30 à celles des années 70.

 

Ses écrits sont intéressants à analyser en ce qu’ils constituent la représentation type de l’expression du moment idéologique qui court du centriste stalinien jusqu’ au néo-centriste marchaisien dans la formation sociale française. L’édition de 1960 est de ce point de vue symptomatique de l’imaginaire idéologique du parti durant cette période, des contradictions qui s’y manifestent, tiraillées entre point de vue révolutionnaire et point de vue réformiste.

 

 

Notre article n’entend pas rappeler l’ensemble des propos tenus dans l’ouvrage, nous voulons essentiellement attirer l’attention et mettre le doigt ce sur quoi selon nous s’enkyste la déviation stalinienne et en quoi elle est bien une déviation de nature social-démocrate, présentant un caractère propre, qui tient compte de la période et de la formation sociale où elle se développe. Mais même si nous voulons insister sur l’effet du stalinisme, dans le développé théorique, nous ne voulons pas non plus négliger des parties du texte qui montrent le recul actuel du parti par rapport à des idées qui nous semblent infiniment plus justes et encore en liens avec le léninisme chez Georges Cogniot. De ce point de vue l’ouvrage est traversé par de vraies contradictions, qui constituent le fonds d’une indispensable rectification, alors que la bouillie idéologique actuelle qui sert de fonds idéologique au PCF, théorique et pratique, fait qu’il est extrêmement difficile pour un nouvel adhérent ici et maintenant de comprendre ce qui faisant consensus même de façon clivante pour les anciens militants communistes.

 

La vulgate et le substrat stalinien sont présents dès le début de l’ouvrage. De ce point de vue l’avant-propos de Cogniot est assez éclairant. Il y rappelle que le marxisme- léninisme, que les lecteurs populaires de son ouvrage doivent s’approprier, ne doit pas oublier les fondamentaux, non- réexposés dans l’ouvrage :               

 

1) - L’inégalité du développement du capitalisme et donc la possibilité de victoire du socialisme dans un seul pays pour commencer.

 

2) - La loi de correspondance des rapports de production au caractère des forces productives.

 

3) - L’action mutuelle de la base et de la superstructure.

 

4) - L’action de la loi de la valeur sous le socialisme

 

Posées en tant que telles, la non-spécification de ces 4 assertions favorise la confusion entre interprétation léniniste et interprétation stalinienne.

 

Que le développement inégal favorise la rupture dans un pays n’est pas niable, mais il n’implique ni le contenu du socialisme que l’on entend construire, ni la nature des superstructures qui viennent chapeauter le pays qui fait rupture, or c’est précisément sur ses questions que porte la controverse dans le mouvement communiste.

 

La fameuse loi de correspondance entre rapports de production et forces productives est l’un des positionnements staliniens qui a été le plus critiqué. Elle sécrète d’ailleurs la troisième loi qui en est une sous-expression  produisant une lecture mécaniste qui nie l’autonomie relative  des superstructures, elle escamote le lien que la force de travail entretient avec les rapports de production pour en faire un pur produit des forces productives, la division du travail devient donc l’unique résultat d’une division technique et non tout autant le résultat d’une division politique. Autrement dit, quand cette lecture parle de division « sociale » du travail, elle la réduit soit à une division technique, soit à une division psychologique (la capacité, la praxis etc.), soit à une division sociologique ( les catégories sociales repérées et codifiées technologiquement dans les conventions collectives, par exemple les accords Parodi). Elle réduit donc la révolution culturelle indispensable du projet communiste à un pur scientisme (produit d’une réflexion extérieure au procès de production et au procès de travail, issu du procès d’intellectualisation des centres de recherche ou des universités qui viennent chapeauter la domination capitaliste et l’oindre d’une onction positiviste- neutraliste scientiste, qui nie la dimension de classe d’un tel phénomène).

Cette déviation est malheureusement déjà présente dans le léninisme avec la neutralisation du caractère de classe du taylorisme et du fordisme et se poursuit aujourd’ hui dans le rapport du PCF aux bouleversements technologiques et scientifiques et sa volonté clairement manifestée dans nier les effets de classe, pour au contraire continuer d'en attendre un effet « libérateur » dont découlerait mécaniquement l’avènement de la société communiste.

 

On voit donc le poids déterminant que joue cette prétendue loi dans la déviation stalinienne, mais aussi pourquoi le statut des agents de l’Etat tout comme le statut des reproducteurs de l’idéologie, élargissement compris( intellectuels et enseignants)  tend aussi effrontément à en masquer le caractère de classe.

 

Le caractère petit-bourgeois voire moyen-bourgeois de ces catégories est encore à peine évoqué aujourd’hui dans leurs caractéristiques sociologiques ou psychologiques (comportement, consommation, répartition etc..) mais il est de plus totalement dénié dans leurs missions de production, par la tradition « communiste » issue de l’histoire du PCF.

 

L’intellectuel n’a rien de bourgeois ni dans le produit de son travail, ni dans la mise en œuvre de celui-ci, voilà à quoi tient le discours réformiste (républicano-social-démocrate). Tout au plus est-il enserré dans le filet d’un système qui pervertit ses intentions premières, le résultat de son travail lui échappe, pour devenir un instrument aux mains de dominants qui en font un mauvais usage. Par nature le révisionnisme social-démocrate absout l’intellectuel de toute responsabilité, il est « pur » esprit dans ses produits comme dans ses techniques.

 

La ligne de production de l’entreprise « socialiste » (ie : entreprise publique ou entreprise coopérative), qui voit reproduire exactement les mêmes conditions de production ( avec certes un degré d’exploitation moindre, tenant du rôle des syndicats et du poids idéologique du parti) engendre des effets sociologiques de division du travail reproduisant les mêmes catégories techniques qu’en Occident, dominées et dirigées par le même staff de responsables (directeur, ingénieur, cadres divers etc..). Elle ne résulte pas de choix politiques, mais elle est le pur produit d’une division naturelle, neutre, parce que "scientifique" du travail.

 

L’existence d’un fonctionnariat, rémunérés par des impôts, un prélèvement de valeur, touchant non pas un salaire, le produit d’un travail exploité, mais des émoluments ou des traitements, simple constat historique qui mine définitivement toute possibilité d’appeler un Etat socialiste, un Etat-Ouvrier. Là aussi cette réalité est escamotée, pour faire des fonctionnaires, des salariés en général, aliénés eux aussi dans la possession de leur force de travail et les laissant dans l’illusion qu’ils « vendent » leur force de travail. Or précisément ils ne la vendent pas, puisque leur rémunération n’est pas le fruit dune vente de leur activité sur un marché, la valeur d’usage est complètement déconnectée de la valeur d’échange et la satisfaction produite laissée à l’appréciation de l’agora politique. Qu’importe ce qu’ils produisent, ils toucheront toujours la même rémunération, même si ce qu’ils produisent ne sert à rien ( il n’y a pas de sanction par un marché pour un juge ou un militaire, ils ne rapportent rien, ils coûtent, ils sont rémunérés par des impôts, quant au ‘besoin’ de « sécurité » qu’ils sont sensés satisfaire, la tradition communiste voulaient que ces missions soient occupées par des salariés exploités les remplissant de façons intermittentes (milices ouvrières, juridiction populaire, etc.. ceci par but fondamental de la doctrine communiste, qui considère  l’Etat comme l’instrument de reproduction des classes sociales, à la fois dans la société civile, mais aussi dans son mode de fonctionnement même).

 

Nous sommes pour la disparition de l’Etat pour ses deux raisons, pour faire disparaître la bourgeoisie privée productrice du capitalisme privée, mais pour faire disparaître aussi la bourgeoisie publique fruit du capitalisme d’Etat.

 

La bourgeoisie publique est rémunérée par l’impôt, ponction de valeur prise essentiellement sur le privé (société civile), qui transforme l’Etat en capitalisme « collectif » au profit de cette catégorie. Mais comme le capitalisme d’Etat est soumis via la fraction dominante de la classe dominante à en reproduire l’échelle pyramidale, elle sert d’abord les intérêts prioritaire de cette fraction essentiellement privée, mais pas seulement, qui doit elle-même s’assurer qu’elle n’est pas menacée dans son hégémonie.

 

Tout cela constitue le trou noir de la pensée stalinienne et post-stalinienne dans quoi continue de patauger l’actuel PCF. Ne pas voir, en quoi cette déviation est le produit d’une lecture stalinienne, étatiste, fonctionnarisante, de tout agent économique  et en quoi confondre le statut de capitaliste (possession, exploitation) avec le statut de bourgeois (division du travail, répartition) conduit à produire une société qui donne le sentiment, aux communistes, d’avoir résolu la contradiction, alors qu’elle ne laisse la situation qu’à mi- parcours, au centre, sous forme d’un sujet de droit bourgeois qui bloque l’évolution de la société dans son stade public (capitalisme d’Etat,  puis de façon évolutionniste, socialisme d’Etat ) et l’empêche d’avancer vers le collectivisme. Classe qui finit, comme l’histoire vient de nous le prouver, par faire retour au capitalisme privé. Voilà aujourd’hui ce à quoi un véritable parti communiste devrait s’attaquer.

 

 Cependant, dans son introduction qui remémore le mouvement historique qui voit l’apparition des sociétés de classes, Georges Cogniot ne produit pas une pure analyse déformée des réalités de classes, au contraire et de façon contradictoire après les 4 rappels des Lois qui constituent la vulgate stalinienne, il affirme que la confrontation de  classe  est  bien le produit de :«  deux groupes sociaux se situant sur un plan différent par rapport à l’organisation de la production », et dans sa note de bas de page, il se montre encore plus clair ,vis-à-vis de la déviation sociologique, cependant qu’il ne l’a combat qu’en rapportant les rapports de production aux formes de propriétés.

 

« Quoi qu’en dise la sociologie officielle de la France bourgeoise (voir G. Gurvitch), la nature des classes a été définies avec rigueur par Marx ; leur différence tient à la place qu’elles occupent dans la production, et par suite aux rapports qu’elles entretiennent avec les moyens de production : le maître antique possède la terre, l’esclave ne la possède pas. Cette différence est essentielle, tandis que celle qui existe entre les niveaux de vie est secondaire, puisqu’ elle dérive de la première. « A toute époque, la répartition des objets de consommation, nous dit Marx, n’est que la conséquence de la manière dont sont distribuées les conditions de la production elles-mêmes. »(Critique du programme de Gotha et d’Erfurt) De nos jours, les réformistes et les révisionnistes mettent la charrue devants les bœufs, ils ne parlent que de l’inégalité dans les revenus et appellent le prolétariat à lutter pour améliorer sa part de revenu national dans le cadre des rapports de propriété existants. C’est là une façon rusée de consolider ces rapports de propriété, de maintenir le prolétariat dans la sujétion, de s’opposer à la transformation de la société. » p.12 de l’introduction.

 

On ne peut que souscrire à un tel jugement, qui nous renvoie aux débats actuels sur tous les revenus « socialisés » d’insertion, sur le re-calcul du partage de la valeur ajoutée entre profit et salaire, toutes ces théories qui font de l’affectation et de la répartition l’alfa et l’oméga du programme révolutionnaire sans jamais poser la question des formes de la propriété.

 

Mais la déviation stalinienne, si elle est anti-réformiste rate la question de la forme de propriété engendrée par l’alliance de la technique et de la force de travail. La déprivatisation de l’expression de cette force ne passe, pour elle, que par la socialisation de sa part d’affectation (salaire sociale contre salaire privée), elle oblitère ce phénomène dans sa mise en œuvre en neutralisant la technique, qui n’est pas un produit collectif issu d’une mise en œuvre commune, mais un deus ex machina s’imposant comme une force obscure venant chapeauter le procès de travail du salarié individuel.

 

L’aliénation « productive » est donc maintenue par quoi se justifie la reproduction de la division du travail qui est la source essentielle de la production de classes sociales qui se confortent en se reproduisant et s’appropriant.

 

C’est la division du travail qui engendre la propriété, de laquelle découle l’affectation et la répartition. Si on la neutralise, on réduit la question de la propriété à ses formes juridiques et on finit par prendre la forme pour le fonds.

 

Toujours dans l’introduction, l’auteur rappelle fort justement qu’il convient de distinguer le socialisme du communisme dans la vie politique comme dans la vie sociale. « Il existe un parti socialiste et un parti communiste, et le parti socialiste si il est un parti « sociologiquement » ouvrier (à l’époque) n’exprime pas les intérêts de la classe ouvrière, il est plutôt porteur des intérêts idéologiques de la petite et moyenne bourgeoisie. « Si dans la langue de l’action politique actuelle, les termes socialiste et communiste s’appliquent donc à deux partis distincts, ces mots ne sont pas non plus synonymes quand il s’agit du régime social à venir. On ne peut pas les employer l’un pour l’autre. Nous verrons que le socialisme et le communisme sont les deux phases successives de la société nouvelle que crée la révolution. Car cette société, comme tout ce qui vit, se développe, se transforme, se perfectionne. »

 

Nous verrons que Georges Cogniot n’est pas aussi claire en suite, mais c’est aussi parce qu’il est porteur d’une ligne qui fait du socialisme un Mode de Production et non une Phase de Transition. Mode de production, qu’il naturalise, biologise : « vie, qui se développe, etc.. » et il sous-entend donc, qu’il n’y pas contradiction entre socialisme et communisme, que ce stade n’est pas le résultat d’une lutte de libération, du socialisme, pour aller vers la société sans classe.

 

Dans le chapitre 2 de son livre : « La période de transition du capitalisme au socialisme »

 

Cogniot reprend in extenso la vision déformée de Staline de la réalisation du communisme au moyen du socialisme.

Dès le titre le schéma est posé, la période de transition : c’est la période qui sépare le capitalisme du socialisme, le but où « fin de l’histoire », c’est donc le socialisme et non le communisme. Et cette vision déformée produit immédiatement ses effets :

 

« Pendant la période de transition du capitalisme au socialisme, le pouvoir politique de la classe ouvrière sert d’instrument pour transformer radicalement l’économie. Cette période se termine à la date où les entreprises socialistes (entreprises d’Etat, et coopératives) donnent pratiquement la totalité de la production et assurent tout le commerce. Dès lors, les classes exploiteuses et parasitaires n’existent plus ; comme on dit, le socialisme est construit, - ce socialisme qui constitue la première phase de la société nouvelle ».

 

On voit bien l’erreur et la confusion qui règne dans ce déroulé que nous propose Cogniot. Le socialisme est la fin de l’histoire de la lutte des classes, mais c’est la première phase de la société nouvelle : le communisme. Où est la poule où est l’œuf. ? Le socialisme est-il le premier moment du communisme, oui où non, et dans ce cas comment peut-on dire que l’exploitation a disparu puisque l’Etat existe toujours ? L’Etat existe toujours, parce que les classes sociales disparaissent, pour Cogniot, à partir du moment où l’Etat devient propriétaire des moyens de production. Les entreprises sont « socialistes » en étant étatisées, parce qu’elles sont publiques ou coopératives, les rapports de production se réduisent aux rapports de propriété et ceux-ci ne vont pas plus loin que la forme publique, « la propriété collective » Cogniot, connait pas. Où, plus exactement, pour lui les formes étatiques sont la quintessence des formes collectives.

 

Et très logiquement, il reprend la division sociale, division sociologique, qu’introduit Staline comme grille de lecture de la société socialiste des années 30 et qu’il explicite dans son projet de mise en place de la constitution soviétique de 1936 :

 

- Rappel : pour Staline il n’existe plus de classes sociales en URSS et donc de luttes de classes, il n’existe seulement que 3 catégories sociales (sociologiques) amies :

- les ouvriers,  les paysans,  les intellectuels.

 

Dans le découpage de  son second chapitre, Georges Cogniot procède de même, lui aussi s’intéresse à ces 3 catégories, qui constituent l'objet de 3 sous-chapitres. Le plus significatif et symptomatique de la déformation stalinienne étant celui qui traite des intellectuels. Le sous-chapitre s’intitule :

 

Anciens et nouveaux intellectuels.

 

« Avec la révolution prolétarienne grandit considérablement le nombre des intellectuels nécessaires à la société : il faut de plus en plus de dirigeants d’entreprises et de branches industrielles, d’administrateurs de banques, d’ingénieurs, agronomes, de médecins ; d’enseignants et de savants. » 

 

La construction métonymique du raisonnement fonctionne à plein. Tous les formés sont des intellectuels, les patrons et les cadres dirigeants sont des formés, les patrons et les cadres dirigeants sont des intellectuels, C.Q.F.D.

 

Bien évidemment la ficelle étant tellement grosse, qu’elle ne peut attirer que la réflexion du pourquoi ce deux poids deux mesures. Soit on considère ces catégories au regard de leur formation et on doit le faire dans tous les systèmes économiques et sociaux, soit on les regarde en fonction de leurs missions et on doit produire une analyse de classe du patronat et de l’encadrement en système socialiste.

 

Cela n’a pas échappé ni à la critique de gauche, ni à la critique de droite de la réalité socialiste, que Cogniot essaie de dénigrer et caricaturer car « par nature » ils chercheraient à abattre la révolution socialiste. Certes, les tendances de droites et tendances de gauche critiquent le système soviétique, mais le pourraient-ils aussi facilement si celui-ci ne cessait de leur fournir des verges pour se faire battre ?

 

Cogniot utilise les mêmes ficelles que Staline, pour noyer le poisson dans une prétendue origine de classe. Les milieux dirigeants seraient « ouvriers » parce que leur origine de classe est ouvrière, certes le système méritocratique a fonctionné à plein dans l’URSS des origines, de nombreux paysans sont devenus ouvriers et de nombreux ouvriers sont devenus soit cadres soit enseignants, mais peut-on confondre les cadres d’entreprises et les enseignants ?

 

Cogniot oserait-il ce parallèle, dans le cadre du système capitaliste ? De plus, un ouvrier qui devient patron, dans le capitalisme, est-il ouvrier (origine) ou est-il patron (actuel et futur) ?

 

La volonté de masquer une situation qui dérange profondément la lecture évolutionniste, pacifiste, édulcoré, de la réalité soviétique, s’éclaire à 50 ans de distance. Aujourd’hui tout militant révolutionnaire peut et doit honnêtement se poser la question. :

Qui a restauré le capitalisme privé en URSS, Les paysans ? Les ouvriers ? Où ceux dont les staliniens ont cherché en un conglomérat informe dénommés « les intellectuels » à masquer le positionnement réel, non pas dans une prétendue origine de classe produit de la méritocratie, mais bien dans l’existence réelle et concrète d’une bourgeoisie d’Etat et d’une bourgeoisie industrielle.

 

 

Dans le Chapitre 4: Le passage du socialisme au Communisme :

 

Dans ce chapitre Cogniot laisse éclaté l’idéologie évolutionniste- réformiste que l’ère de la gouvernance Khrouchtchev ne produit pas ex-nihilo mais qu’il reprend de certaines positions de Staline. Cogniot rappelle que le XXI congrès s’inspire du XVIII de 1939 qui avait défini le passage graduel du socialisme au communisme et de ce dernier congrès (bouleversé par l’entrée en guerre) les communistes russes et les nouveaux Etats de démocratie populaire tirent 3 conclusions :

 

« 1) - « le passage du socialisme au communisme est soumis aux « lois » de l’histoire, qu’on ne peut arbitrairement transgresser »

 

- On ne peut pas aller directement du capitalisme au communisme, car les formes de propriétés ne se modifient pas à volonté. Elles se développent sur la base de lois objectives de l’économie, en fonction du niveau atteint par les forces productives.

 

2) - le passage du socialisme au communisme représente une transformation continue. Quelle que soit la différence des deux phases, aucune muraille ne les sépare. Avant comme après le mode de production est le même, la propriété est sociale. La transition s’accomplit sans destruction de ce qui existait sans rupture révolutionnaire, graduellement, par perfectionnement et dépassement progressif du socialisme.

 

3)- En troisième lieu, le passage graduel au communisme, si compliqué qu’il soit, ne se fait pas au ralenti. Au contraire, il correspond à une période de progrès impétueux des forces productives. »

 

On voit bien la nature de la déviation introduite par ce type de lecture. La politique sous le socialisme puis le communisme n’est plus le fruit d’une volonté révolutionnaire, elle est le produit mécanique de sciences sociales (l’Histoire) ou de Sciences Economiques (les forces productives) qui ont leurs rythmes propres et que l’on ne peut transgresser. Dès lors le processus qui voit la transformation du socialisme en communisme n’est plus le fruit d’une lutte de classes, mais le résultat d’une simple évolution dominée par l’évolutionnisme des lois scientifiques.

 

La détermination absolue (et non en dernière instance) par les forces productives, entraîne que la socialisation contenue dans la forme publique ne connait aucune rupture d' évolution quand on passe du socialisme au communisme, dans cette déviation l’étatisme est la forme ultime du collectivisme.

 

Il n’y a pas de rupture révolutionnaire entre ces deux périodes, autrement dit les agents de l’Etat et les cadres dirigeants acceptent, sans combattre et sans chercher à s’y opposer, de voir transformer leur condition d’existence et leur pouvoir de décision et de direction. On comprend l’illusion totale que véhicule une telle représentation qui fait de la classe dirigeante « réelle » et pas celle qui est supposée conduire « idéologiquement » le processus : un agent neutre, sans intérêts particuliers, qui accepte volontairement de se saborder, pour transférer, sans luttes ni contradictions, son pouvoir politique et économique aux masses subalternes. Mais on comprend  surtout comment l’intoxication idéologique produit d’une telle vision déformée a laissé les militants communistes totalement désarmés quand c’est l’exacte processus inverse qui s’est produit, savoir : la restauration du capitalisme privé par ce même groupe (la majorité de celui-ci), ce qui selon ce schéma évolutionniste - scientiste ne pouvait absolument pas se produire.

 

Ce qui fait passer au communisme, nous dit Cogniot , « c’est le progrès impétueux des forces productives », les rapports de production, que l’on réduit aux rapports de propriété, sont totalement escamotés, ceci parce que de toute façon sous forme de propriété publique ou coopérative comme après ( ?!) dans le communisme, nous aurions toujours à faire à de la propriété « sociale » et que celle-ci a forcément un caractère collectiviste !

 

Aujourd’hui encore, cette déviation continue de produire ses effets,  il y a une confusion totale qui porte sur ces termes : social, socialisation. La socialisation concerne à travers toutes les époques et les sociétés, la psychologie, la sociologie tout comme les sciences économiques. Cette situation suffit à engendrer une vision évolutionniste et réformiste qui nourrit toutes les illusions sur une possible résolution pacifique non- contradictoire des changements de sociétés. Elle nourrit, dans la doctrine communiste, des ambiguïtés sur la nature de gestion des formes d’entreprises : coopératives, économies mixtes, nationalisation, collectivisation, etc… sans en distinguer les moments, les formes qui prennent la suite des entreprises capitalistes privées qui sont elles-mêmes des formes de socialisation.

La socialisation psychologique, sociologique etc. commencent à partir de deux agents en situation de face à face, porteurs de deux positionnements économiques dans une situation d’un environnement juridique mixte d’entreprises. La socialisation est partout, elle ne dit rien de ses formes ni ce vers quoi on veut la conduire. Le collectivisme est miné par la même ambiguïté, être en collectif, c’est être plus d’un, tout comme être en collectif d’un point de vue juridique. Mais quel rapport et quelle rupture fait-on entre une société capitaliste en nom collectif et le collectivisme comme stade historique du mode de production communisme, on a là un bouleversement complet du mode de représentation par un nouveau mode d'existence. Autrement dit, un même mot est utilisé pour désigner des choses totalement différentes et malheureusement l’une des spécificité du révisionnisme, du réformisme et de l’opportunisme c’est d’utiliser la polysémie lexicale pour réaliser des raccourcis idéologiques, justifiant tout et son contraire.

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