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(D.C.O)

Lire Staline aujourd'hui (partie I)

Dans le débat que nous avons aujourd’hui au sein de l’aile gauche (intérieure-extérieure) du PCF, la question du stalinisme et de Staline redevient une question centrale, enjeu d’une confrontation idéologique dans un monde en pleine crise des valeurs et des sens.

 

Doit-on réhabiliter Staline, pour autant que la question d’une réhabilitation se pose.

Il est clair qu’il y a aujourd’hui une renaissance d’une sensibilité « néostalinienne » dans l’environnement du PCF, notamment chez un certain nombre de jeunes camarades, qui par certains côtés prend des allures inquiétantes de dévotion sans retenue. Dans un environnement où la subjectivité dans le positionnement politique tient une place grandissante, le réactionnel tient aujourd’hui le devant de la scène médiatique. J’aime ou n’aime pas telle figure historique, devient dans bien des cas l’argument central. Un certain nombre de néostaliniens fraîchement convertis font le pendant aux néonazis du camp d’en face, dans l’adhésion par les tripes plutôt que par le jugement politique, la compréhension historique et théorique. C’est pourquoi il ne peut être à mes yeux question de céder un pouce de cet enjeu : faut-il réhabiliter Staline, ou Staline est-il le problème de la déviation de l’histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire ?

 

Beaucoup de sensibilités révolutionnaires se sont déjà attaquées à cette question. Communistes libertaires, Gauche Communiste (historique) [ conseillistes et bordigistes], trotskistes ont fourni leurs argumentations. Elles méritent d’être connues, elles sont largement diffusées et accessibles. Ce que je reproche à beaucoup de ces organisations, c’est la stratégie de disque rayé qu’elles font adopter à leurs militants, qui doivent reprendre en boucle, la bonne analyse de ce qu’il faut penser du stalinisme. Ces analyses datant toutes pour leur majorité d’avant guerre, sans qu’une véritable analyse et connaissance des faits et écrits nouveaux ne viennent jamais développer voire contredire des idées précédemment exprimées. L’organisation à une fois « pour toute » analysée ce qu’était le stalinisme et rien ne peut modifier cette grille de lecture.

 

Mon analyse s’oppose donc à cette logique, j’écoute et j’entends que la réouverture des archives et dossiers donne accès aujourd’hui à d’autres informations nous permettant de mieux cerner l’univers dans lequel l’Union Soviétique et son groupe dirigeant ont dû se construire. Oui, il y avait des espions, oui il y avait des traîtres et oui les forces capitalistes en particulier occidentales ont tout fait et tout utilisé pour essayer d’abattre le premier Etat révolutionnaire. Mais la réponse mis en œuvre par Staline était-elle la bonne, la seule possible et cela dédouane- t’il Staline de la critique de son positionnement politique et théorique ?

 

L’ère de la gouvernance de Staline qui a durablement marqué l’espace et l’esprit soviétique, compte-tenu de sa durée, est-elle restée neutre sur ses dérives et ses échecs (et ses réussites) ?

 

En un mot, la restauration du capitalisme privé dans l’ex- espace soviétique, n’a-t-il rien à voir dans ses causes avec le modèle de gouvernance et de référence idéologique du stalinisme ?

 

Les défenseurs inconditionnels de la nature anticapitaliste de l’URSS ne peuvent nier qu’en dehors de la courte transition révolutionnaire sous la direction de Lénine, l’autre grande représentation idéologique qui a construit dans ses fondements l’Univers Soviétique fut la représentation stalinienne. Il est donc légitime de s’interroger pour savoir si la seconde est bien la pure continuation de la première ou si elle introduit un biais, voire une déformation totale de celle-ci.

Chacun à en tête les critiques portées par les uns et les autres :

 

- La révolution de 17 est trahie par les bolchéviks, nous disent les libertaires, parce qu’ils n’ont pas voulu reconnaître les autres tendances révolutionnaires et ont cherché à dominer les soviets, formes modernes de l’institutionnalisme révolutionnaire. Leur socialisme étatique les conduit à s’opposer à l’autogestion et l’auto-organisation des salariés sur leurs lieux de production. Tout est joué pour l’essentiel dès 1918. La terreur stalinienne n’est que la continuation de la terreur léniniste de Lénine-Trotski.

 

-Tout se joue en 1920 affirme la Gauche- Communiste Historique, avec la mise en place d’un Gouvernement de type classique, la mort de la démocratie directe des Soviets (pour les conseillistes), la stratégie du Front-Unique, qui permet de « sauver » la social-démocratie de son échec historique et son rôle de flanc gauche de la bourgeoisie (pour les bordiguistes), plus généralement pour cette tendance [G.C (H)] , la mise en place de la NEP favorise la renaissance d’une bourgeoisie capitaliste.Elle s'obtient par La réintroduction d’une gouvernance d’entreprise calquée sur le modèle d’organisation capitaliste du travail ,le taylorisme et le fordisme. Lénine le dit, il veut l’introduction du capitalisme d’Etat pour sauver l’Etat Soviétique de la faillite. Le régime stalinienne n’est que la poursuite policière et totalitaire de cette première déviation de droite du projet révolutionnaire. Renoncement au déclin de l’appareil d’Etat et renoncement à la révolution mondiale sont à l’origine de l’échec de cette première révolution.

 

 

Communistes libertaires et Gauche Communiste (Historique) en concluent que c’est parce que Lénine a abandonné les thèses qu’il défendait dans l’Etat et la Révolution (en particulier la première d’entre -elles, « nous avons le même but que les anarchistes.. » (i . e : nous voulons la disparition de l’Etat, sans quoi le communisme ne peut pas exister) que les bolchéviks sont conduits à la mise en place d’un projet contre- révolutionnaire (l’hypertrophie d’un appareil d’Etat) : le Capitalisme d’Etat. Avec Staline la gouvernance de cet Etat devenant tellement répressif que l’on peut parler littéralement de « fascisme rouge ».

 

Pour l’Opposition Ouvrière, la bureaucratie n’est que le produit de la gestion étatique et institutionnelle de l’économie qui privent les unités de production des meilleurs éléments de la classe ouvrière, pour les fonctionnariser , les soustraire à l’acte productif, puis les réintroduire au sein de la ligne hiérarchique afin d’« encadrer » une ligne de production tayloro-fordiste, par des critères purement idéologiques et politiques. face à cela, la réponse du moment peut venir du syndicat, dans la mesure où celui-ci ne soustrait pas ses membres à l’acte productif (pour en faire des fonctionnaires de la bureaucratie syndicale) et dans la mesure où il s’emploie à être le représentant de l’ensemble de la classe et pas seulement de son avant- garde. Il doit être le vecteur de la mise en œuvre du projet communiste à l’entreprise.

 

Pour Trotski, c’est en 1923 « Cours Nouveau » que la bureaucratie commence à s’emparer du parti, qu’elle y empêche la libre expression notamment des courants et des fractions. La bureaucratie est une couche, expression politique du courant centriste, qui cherche à éterniser l’ « Etat » socialiste pour satisfaire les nouvelles catégories bénéficiaires de ce modèle de révolution. Les apparatchiks deviennent des bureaucrates improductifs comparables aux membres d’un clergé qui profitent en prétendant assurer la direction idéologique d’un Etat. Le refus de l’extension de la révolution n’est que le masque d’une catégorie qui craint pour la remise en cause de ses privilèges. La solution se tient dans l’extension de la révolution mondiale, mais sous la forme de l’extension du modèle impérialiste de toute puissance des forces productives inspirée de ce que le capitalisme le plus développé peut introduire. « L’internationalisation des forces productives fait voler en éclat les Etats-Nations » nous dit Trotski, sous-entendu l’internationalisation des forces productives des Etats capitalistes, par la modernité qu’elle génère fait que la firme internationale est aujourd’hui plus puissante que n’importe quel Etat, qu’elle est capable dans saper les fondements et donc de nous aider à résoudre la question de son nécessaire dépérissement. C’est pourquoi nous estimons que le trotskisme est un social-démocratisme (seules des forces productives modernes peuvent résoudre la question du passage au socialisme et donc un Etat qui ne les possède pas est illégitime à prétendre pouvoir construire une société socialiste, c'est ce que dit la social-démocratie face à la révolution russe) mais c’est un social-démocratisme révolutionnaire. En effet à quelle condition une nation retardataire peut, malgré tout, entreprendre un processus révolutionnaire ? A la condition qu’elle ne freine pas le processus d’extension de cette révolution à d’autres nations, plus particulièrement aux nations les plus évoluées qui seules peuvent permettre la modernisation des forces productives.

 

Pour les Marxistes-Léninistes prochinois (et aujourd’hui prosoviétiques) tout commence dans la déviation de droite mise en place par Khrouchtchev à la mort de Staline, qui répète le danger de droite apparu au moment de la N.E.P et cristallisé dans le courant de Boukharine. Ce courant restaure l’indépendance de gestion des entreprises, le profit et le marché. Il accorde aux catégories dirigeantes de l’URSS des avantages qui les conduisent à se reconstruire comme classe bourgeoise autonome. Le capitalisme d’Etat s’installe à la mort de Staline.

 

Pour nous Staline est essentiellement le représentant des intérêts des gestionnaires de l’économie administrée, fonctionnaires ou responsables de la ligne hiérarchique qui dirigent les entreprises d’Etat. Ce groupe est bel et bien un groupe bourgeois au sens marxiste du terme, il n’est ni sociologiquement ouvrier, ni économiquement exploité. C’est pourquoi il génère comme tout Etat des comportements bureaucratiques. Dans la confrontation entre aile gauche et aile droite, ce courant représente idéologiquement les intérêts du centre, ce qui le conduit à avoir des comportements terroristes et violents vis-à-vis de la lutte des classes, car il est incapable de choisir entre gauche et droite (ce que met parfaitement en évidence Trotski et qui le conduit assez justement à comparer sa situation à celle de Robespierre), d’où les procès truqués et la violence institutionnelle qui fait de la justice, de la police et de l’armée, les institutions seules capables de mener la lutte des classes.

 

Ce rapport à la politique indique que Staline veut que ce soit son groupe d’intérêt qui conduise la façon de résoudre les contradictions sociales, mais comme son groupe  est économiquement incapable de s’auto-saborder, ce que la doctrine communiste sous-tend , puisque pour qu’une société de classe disparaisse totalement il faut que l’Etat disparaisse ou s’éteigne, la fraction sociale que le stalinisme sert ne peut que chercher à étendre le modèle de l’économie administrée, pour gonflée sociologiquement la représentation de ses intérêts et peser toujours plus dans la société socialiste.

 

Tant qu’il s’agit de s’en prendre à la propriété privée, ce groupe est à l’offensive (cas de la collectivisation [ mauvais terme, car il s'agit en réalité d'une mise en oeuvre soit d'une coopération (Kolkhozes) de nature privée, soit d'une étatisation (entreprises publiques dont les fameux Sovkhozes )] mais quand il s’agit de s’en prendre à la forme publique de propriété pour la transformer en propriété collective, ce groupe freine des quatre fers ( Ils font partie de la bourgeoisie, il ne peuvent donc poursuivre l’avancée vers le communisme qui les remettrait sociologiquement et économiquement en cause), or l’histoire continue d’évoluer elle a horreur de stagner, elle oblige les protagonistes à choisir : rétablissement de la propriété privée ou avancée vers le collectivisme. Pour suspendre l’histoire à un instant « T » Staline comme Robespierre ne voient pas d’autres moyens que d’appliquer un état de terreur qui bloque tout débat politique. Mais comme l’évolution sociale ne peut-être freinée, dès que ce modèle de gouvernance entre en crise, c’est la droite du mouvement ouvrier qui en sort renforcée.

 

Le centrisme génère la droitisation, le centrisme conduit à la remise en place des intérêts du groupe sociologique qu’il représente. Tout simplement parce que ce qui fait le lien entre centre et droite c’est le fait que ces deux groupes sont bourgeois. L’un défend la bourgeoisie engendrée par le capitalisme privé (ce qu’il en reste), l’autre la bourgeoisie produit du capitalisme d’Etat. La bourgeoisie d’Etat est « socialisante » tant que l’Etat comme exploiteur collectif n’est pas remis en cause, dès que l’étatisation entre en crise par les effets de bureaucratisation et d’inefficacité économique qu’elle ne peut éviter, elle se précipite dans les bras de la droite pour continuer à se reproduire comme groupe sociologique bourgeois.

 

Le néo-centrisme appelé « stagnationisme » (Brejnev en URSS, Marchais en France) n’est qu’une reprise de cette contradiction avec une préférence plus marquée pour des solutions de droite.  

 

Le modèle d’explication exprimé ici s’inspire largement des idées portées par « l’extrême-gauche » (mais il n’y a d’extrême-gauche possible que parce que le PCF en ayant renoncé à la révolution et en devenant un simple parti de « gauche » , c’est-à-dire se contentant de se battre dans un cadre institutionnel au sein d’un Etat capitaliste, ne voit plus de solution que dans l’avènement d’un néo-social démocratisme appelé « Front de gauche » ou P.G.E), le PCF pour autant que son rôle de gauche puisse le faire redevenir un parti révolutionnaire, ne peut trouver d’explication à la crise qu’il traverse que dans le référentiel d’extrême- gauche. Autrement dit:

- ou Capitalisme d’Etat (dans ses différentes déclinaisons, libertaires, Conseillistes, Bordigistes, marxistes-léninistes)

- ou Etat Ouvrier bureaucratiquement dégénéré.(trotskistes)

 

Notre lecture du déroulé historique pose donc que la question de l’Etat en période de transition est bien la question centrale. Le socialisme dans un seul pays, s’il se traduit par l’hypertrophie de l’appareil d’Etat, ne résout pas la question de l’extinction de la bourgeoisie, il ne fait que transformer les formes de sa reproduction. De bourgeoisie principalement privée sous le mode de production capitaliste (où elle est d’Etat dans l’Etat capitaliste), elle devient bourgeoisie essentiellement d’Etat, sous le socialisme, si tout y est nationalisé. Chercher à transformer le socialisme de phase de transition en mode de production, c’est donc chercher à éterniser la nation socialiste en Etat-Nation, c’est donc vouloir « éterniser » la bourgeoisie et renoncer à l’avènement du communisme. C’est cette déviation centrale qui affecte le stalinisme comme courant centriste et c’est le fil rouge qui court tout au long des écrits de Staline dans son combat contre la droite du parti aussi bien que contre sa gauche. C’est ce que nous chercherons à mettre en avant dans la lecture du  recueil de textes regroupés sous l’intitulé « Les Questions du léninisme »[ Lire Staline aujourd'hui partie 2].

 

Comme nous l’avons déjà dit et cela à titre personnel, nous considérons que l’URSS était un Etat Socialiste Prolétarien. Aux conditions :

 

1) Socialiste : car socialisme ne dit pas plus que tentative de rupture avec le modèle classique de capitalisme dans un sens progressiste (i.e : Etat très social)

2) Prolétarien : car la propriété est publique, si toute propriété privée a disparu, toute la population active n’est donc plus que propriétaire de sa force de travail et la seule division qui reste est celle qui affecte la nature du travail effectué :

- Ce travail génère de la marchandise, c’est un travail exploité (qui produit une classe au sens marxiste du terme), par référence historique nous parlons de "classe" "ouvrière".

- Ce travail génère des services gratuits et est rémunéré par des impôts( issus de revenus) , il produit de la bourgeoisie.

-Ce travail est soumis à la division technique et la division sociale, il produit de la bourgeoisie.

 

L'URSS était un capitalisme d'Etat à caractère progressiste.  Phase obligée de tout Etat de transition. L'abandon des tâches communistes a fait regresser cet Etat et a conduit à la restauration du capitalisme privé.

 

 

L’Etat s’éteint par disparition ou l’Etat s’éteint par administration :

 

Dans son ouvrage de 1929 « De la déviation de droite dans le parti communiste (bolchévik) de l’URSS » Staline s’en prend à Boukharine. Il rappelle le jugement porté par Lénine sur son côté scolastique dans son positionnement théorique et pratique. C’est ainsi que si Boukharine commence à la gauche du parti (où il critique Lénine et sa volonté de mettre en place le Capitalisme d’Etat), suite à la mise en œuvre de la NEP et à l’amélioration de la situation économique, il finit par considérer que le système à tout à gagner à laisser jouer le marché (tout en l’encadrant) pour favoriser la production de marchandises. Cette façon de séparer les choses, et de s’engager dans le tout l’un ou le tout l’autre, c’est incontestablement, la limite de l’expression et de l’action de N.B, qui passe de la défense unilatérale d’un point de vue à l’autre. Mais c’est aussi, l’une de ses qualités essentielles, quand Boukharine pense qu’il faut agir dans un sens, il y engage toutes ses forces.

 

Tous les leaders bolchéviks reconnaissent son caractère sincère [cette qualité lui vaut l’appellation « d’enfant chéri du parti »], mais cette sincérité le rang naïf et elle va lui coûter cher face à Staline et sa politique de terreur. Face au chantage physique sur lui et sur sa famille, il est obligé de faire marche arrière et de se contredire, ce que Staline utilise pour le discréditer, en affirmant que Boukharine est un homme sans principes.

Sur la question de l’Etat au début de la révolution, lui aussi rappelle fort justement que Lénine à clairement formulé l’expression : « Nous avons le même but que les anarchistes » dans -L’Etat et la Révolution - Ce but c’est la disparition de L’Etat. Mais Lénine fort justement rappelle à Boukharine, que les marxistes si ils ont le même but n’utilisent pas les mêmes moyens. Les Anarchistes veulent faire « sauter », « briser » toute forme d’Etat, ceci dès le début. Les marxistes veulent « briser » l’Etat bourgeois, par la construction d’un autre Etat, l’Etat Prolétarien, l’Etat de dictature du prolétariat. Qui au bout d’un certain temps « s’éteindra », « s’assoupira ».

Staline accuse Boukharine de déviation « semi-anarchiste », ce qui est un jugement assez juste au regard de ce que représente le courant de la Gauche Communiste Russe, quand « Kommunist » leur revue dénonce l’ouvrage de Lénine « Sur L’Infantilisme de Gauche » comme souhaitant unilatéralement instaurer le Capitalisme d’Etat. Mais Staline introduit une autre déviation, en escamotant son groupe de référence  (la nouvelle bourgeoisie issue du nouveau mode de fonctionnement, « L’Etat de dictature du prolétariat » qui n’a pas remis en cause le capitalisme d’Etat mis en place par Lénine, n’indique pas la marche à suivre pour passer du capitalisme d’Etat au socialisme, et pas non plus la marche à suivre pour faire « s’éteindre » concrètement ce nouvel Etat ).

 

Staline retrace un débat qu’il a avec Stene, et paradoxalement sur cette question Staline expose très clairement la contradiction. Mais au regard de l’Histoire on voit aujourd’hui que c’est lui qui avait tort. p 402

 

« Stene .- A, cette époque, Lénine n’avait pas encore donné une formule plus développée sur la nécessité de « faire sauter » L’Etat ; Boukharine, tout en commettant des erreurs anarchistes abordait cette formulation.

 

Staline.- Non, il ne s’agit pas de cela maintenant ; il s’agit de l’attitude envers l’Etat en général, il s’agit de l’opinion de Boukharine selon laquelle la classe ouvrière doit être en principe hostile à tout Etat, y compris l’Etat de la classe ouvrière.

 

Stène . - Lénine parlait alors uniquement de l’utilisation de l’Etat, sans rien dire, dans sa critique de Boukharine, de la formule « faire sauter ».

 

Staline.- Vous vous trompez : « Faire sauter » l’Etat n’est pas une formule marxiste, mais anarchiste. J’ose vous assurer que ce dont il s’agit ici c’est que, selon Boukharine (et les anarchistes), et les ouvriers doivent souligner qu’ils sont hostiles en principe à tout Etat, et donc à l’Etat de la période de transition, à l’Etat de la classe ouvrière.

 

Essayer un peu d’expliquer à nos ouvriers que la classe ouvrière a le devoir de se pénétrer d’une hostilité de principe à l’égard de la dictature du prolétariat qui, elle aussi, est un Etat.

 

La position de Boukharine, telle qu’elle est exposée dans son article de L’internationale de la jeunesse, c’est la négation de L’Etat en période de transition du capitalisme au socialisme. »

 

Au regard de l’Histoire, de la restauration du capitalisme privé dans l’ex- URSS, on voit mieux qui a eu raison entre Staline et Boukharine. Les bénéficiaires administratifs du nouvel Etat ont-ils contribué à faire décliner l’Etat de transition sur un siècle, ou ont-ils au contraire, choisi de restaurer le capitalisme privé dès que ce système bureaucratique est arrivé à bout de souffle ?

 

Poser la question c’est y répondre. Non Seulement la machine d’Etat appelé abusivement « dictature du prolétariat » n’a jamais décliné, elle s’est au contraire hypertrophiée jusqu’à tuer toute initiative « privée » issue de la société civile, mais quand elle s’est retrouvée à genoux, elle a choisi le camp de la contre-révolution.

 

Quand Staline dit . -  la question est « La classe ouvrière doit se méfier de tout Etat, ce qui implique que pour Boukharine, la classe ouvrière doit même se méfier de son propre Etat » il a raison, car l’histoire a prouvé la justesse de ce point de vue. La clique qui a restauré le capitalisme en URSS est bien la clique qui a bénéficié de la mise en œuvre du capitalisme d’Etat et du non déclin de celui-ci, transformé en terreur rouge par Staline.

 

Mais on sent aussi la forme « terroriste » du débat, au moment du congrès « essaie d’expliquer aux congressistes (La classe ouvrière) que tu veux les remettre en cause.. », Boukharine n’a plus les moyens de se défendre, dans une confrontation loyale. Il ne peut pas défendre le point de vue évident chez lui, qu’il n’a jamais nié la phase de transition et l’Etat de transition, mais qu’il faut impérativement que cet Etat dépérisse (Ce que ne fait pas l’Etat stalinien qui au contraire explose et ne cesse de croître).

 

On voit ici aussi comment Staline déforme le marxisme, il en vient à dire que « l’Etat de Dictature du Prolétariat » est l’Etat de transition entre le capitalisme et le socialisme. Il fait donc du socialisme, le stade final de l’évolution sociale. Or ce n’est pas le point de vue de Marx, Marx dit clairement que le socialisme est phase de transition et pas mode de production, le stade final, c’est le communisme. Mais si Staline avait repris ce point de vue, il lui aurait fallu expliquer pourquoi l’Etat a disparu dans l’analyse marxiste et comment cela s’est fait. Alors que faire du socialisme le stade final, lui permet de rester évasif, sur la situation de la gestion sociale étatique, en affirmant que « l’administration » se maintient dans l’analyse de Lénine, comme permanence de la présence étatique.

 

Si comme le dit fort justement Staline il faut considérer que pour Marx et pour Lénine l’Etat s’éteint par administration, alors, nous devons reconnaître que l’archétype du sujet économique produit par le Marxisme - Léninisme est celui de la bourgeoisie d’Etat. L’acte productif y est inessentiel seules comptent, la gestion, l’administration. Le sujet est essentiellement politique, son activité est subsidiaire car son salaire est socialisé, c’est une part sociale de la richesse globale produite, sans interrogation sur les conditions de production de cette richesse et le rôle économique des agents pour y parvenir.

 

Si nous décidons de prendre en compte la crise du « socialisme ayant réellement existé » comme conséquence réelle de la déviation stalinienne.

 

Nous ne pouvons à la suite de toute les réformes économiques  actuelles (Chine, Cuba etc.) que considérer que ce modèle souffre d’une déviation bureaucratique qui efface la figure du producteur réel de richesses matérielles au profit du fonctionnaire administrateur.

 

- Revenir au marché n'est donc pas droitier en soi, revenir au marché c'est rendre justice à la classe ouvrière, qui seule produit les richesses validées socialement par le consommateur.

 

-Revenir au marché c'est s'attaquer au dernier lieu de reproduction de la bourgeoisie : L'Etat.

 

L' "Etat" ouvrier c'est l'agora des salariés exploités qui délèguent par intermittence, qui ne fonctionnarisent pas, qui rapprochent le pouvoir réel du centre de production. Pour cela, ils mettent en cause la division du travail technique et sociale, qui justifie la mise en oeuvre hiérarchique.

 

Le scandale ce n'est pas l'existence de la classe ouvrière, de la classe des exploités,  le scandale c'est l'existence de la bourgeoisie et sa reproduction, dans sa forme privée comme dans sa forme publique.

 

Aujourd'hui, Boukharine se lit dans sa complexité et dans sa dialectique, dans son cours de gauche, comme dans son cours de droite. 

 

 

 

 

Lire Staline aujourd’hui (partie II)

- De la critique de quelques textes parus dans :

« les questions du léninisme » de J. Staline

( édition retenue, Editions de Pékin 1977)

 

Il y a, c’est certain, deux possibles façons de lire Staline. L’une consiste à se référer au Staline dans sa situation et son époque. Cette considération qui semble la plus honnête, est largement celle des historiens. La question qui lui est afférente est la suivante : Staline pouvait-il faire autrement, oui ou non ?

 

Quand un militant politique lit un évènement historique, il a donc le choix entre se référer à l’histoire ou se référer aux conséquences politiques et philosophiques de ces choix au regard du passé, mais surtout au regard du présent et de sa propre action.

 

Le problème tient dans la contradiction suivante, si je dis :

- Staline a effectué des choix historiques au regard de la période dans laquelle il vivait et je ne peux le juger qu’au regard de cela, cela inclus, que toute pensée émise par Staline ne peut être qu’historicisée (i.e: en dehors de ce cadre, elle perd l’essentiel de sa légitimité).

 

Si je refuse l’historicisme et que je considère que Staline a encore des choses à nous apprendre et même mieux, a des idées, des valeurs etc. à nous transmettre (ce qu’un militant politique demande à tout référentiel idéologique produit par un leader politique), il s’agit donc de savoir : 

1) Si le modèle de la révolution russe est un modèle transposable un siècle après sa réalisation.

2) Si le comportement, les choix idéologiques etc. effectués par Staline constituent encore pour un militant communiste (ici et maintenant), une norme qu’il souhaite ou peut mettre en œuvre.

 

Nous montrerons que tout autre positionnement que l’historicisme est intenable. Que ceux-là mêmes, qui se réclament avec le plus de ferveurs d’une filiation avec Staline, lui tournent concrètement le dos. Et que le positionnement de Staline au regard de ses propres valeurs ne pouvaient que conduire :

- 1) aux intérêts objectifs qu’il a servis et pas au référentiel qu’il prétend représenter.

 

-2) Que sa représentation de la vie politique et la façon de la conduire est une mort en acte de toute démocratie, y compris pour ses propres partisans.

 

De la situation actuelle du monde :

 

Répondre à une possible transposition de la révolution d’Octobre, dans le cadre actuel, c’est déjà démontrer que pour toute personne sensée qui ne traite pas le marxisme et le léninisme comme un idéalisme idéologique dont il s’agirait d’appliquer les saintes écritures codifiées une fois pour toutes dans des œuvres complètes, le cadre actuel en est complètement bouleversé. La situation actuelle a très peu de chose en commun avec le début du siècle, qui lui-même posait déjà un fort problème quand des leaders d’un pays arriéré prétendaient généraliser par extension un modèle de révolution. Or, Staline dans les « Questions du Léninisme » prétend fonder une catéchèse de principes d’action résumant ce qu’il faut penser de l’action de Lénine, en partant de la relecture de ses écrits et principes de vie.

 

- Quand les M.L font références à une orthodoxie, ils ont raison, Staline pratique au sens plein du terme une lecture religieuse, la vie du « saint » et ses paroles les plus significatives, pour forger des principes de vie qui doivent guider les ouailles à travers le temps et les époques. La déformation du séminaire pèse sur son rapport à la politique. Or Lénine avait donné des directives extrêmement précises sur la reproduction de ses écrits. Il ne voulait pas que ses écrits soient rassemblés en des œuvres complètes, il considérait qu’un texte correspondait à une situation concrète et qu’il devait être lu avec en contrepartie les faits (pensées, faits, écrits etc) opposés. (De ce point de vue, la réédition de : « La Révolution Prolétarienne et le renégat Kautsky » par les éditions 10/18  dans les années 70, avec en contre- point « La Dictature du Prolétariat » de K. Kautsky sous la direction de Patrick Kessel (ancien militant du PCR (ml)) est un modèle d’honnêteté intellectuelle au sens léniniste du terme.) -

 

Bref rappel historique :

 

Rappelons pour mémoire aux communistes que Lénine considère que l’époque dans laquelle il vit, a totalement bouleversé les conditions d’existence et de reproduction du capitalisme par rapport à la période de Marx. Sur 50 ans, on est passé de la fin du capitalisme concurrentiel au développement du capitalisme de monopoles, à l’exportation de capitaux, au second partage du monde (L’impérialisme), à l’émergence d’une domination financière etc. Tout cela en 50 ans !

 

L'impérialisme pour Lénine est un stade réactionnaire, il oblige les révolutionnaires à faire leurs, le mot d'ordre de "droits des peuples à disposer d'eux-mêmes", mot d'ordre suffisament clair pour indiquer qu'il constitue une première remise en cause de la lecture traditionnelle de Marx, qui faisait de l'internationalisation de la production en soi et celle des conditions de résistance, le résultat direct de la seule base d'une ouvriérisation homogène, le coeur du devenir social de la résistance future, pour Lénine, La justification de l'Etat de transition se situe ici, L'Etat c'est toujours l'Etat du "peuple", pour passer à "l'Etat" de la classe, il faut qu'il s'éteigne.

 

Si Lénine n'avait eu qu'une vision ouvriériste de la résistance des peuples, il lui était loisible d'utiliser l'expression :"Droits des classes ouvrières à disposer d'elles-mêmes", ce n'est pas le cas. Le droit des "peuples" contient donc naturellement en lui- même et pour lui même, les décisions du IVème congrès de l'Internationale Communiste : Le Front-Unique, et les décisions du VII ème congrès : le Front - Populaire. 

 

Le Front - Unique présuppose l'alliance avec la social-démocratie, le Front -Populaire l'alliance avec l'aile républicaine et démocratique (Radicaux-Socialistes(historiques), souverainistes) . Le Front-Unique sous-entend l'unité des salariés (exploités et non -exploités), le Front-Populaire l'alliance des tenants de la République, L'Etat de droit, dont le "droit de l'hommiste", laïc, social (autrement dit il englobe les intérêts du salarié indifférencié et du petit-propriétaire anti-monopoliste). 

 

Nous l'avons vu dans la partie (I) de notre texte, la Gauche Communiste (Historique) rejette le Front-Unique et le Front-Populaire. Elle le fait en logique avec son positionnement (Classe contre Classe) qui veut que désormais ne puisse, dans le monde moderne, exister que des sociétés sans classes et donc sans Etats. Si l'hégémonie absolue appartient aux exploités, il ne faut chercher à obtenir qu'une seule classe homogène (La classe ouvrière, comme classe exploitée), ceci dès les premiers moments de la révolution. Elle s'oppose donc au Front-Unique [ Il n'y a plus de place pour un positionnement social-démocrate, car il n'y a plus de place pour un salariat non- exploité (traitements, émoluements etc.] , l'Etat doit immédiatement disparaître ( et donc les fonctionnaires). Elle rejette encore plus vertement le Front-Populaire, car celui-ci au nom de la défense de l'Etat de droit, reconnait la propriété personnelle, comme constitutive de la personnalité sociale, il admet qu'il puisse exister des biens collectifs et des besoins sociaux, il présuppose la nationalisation comme expression d'un droit public (forme particulière du droit privé lui même expression d'un droit naturel), à quoi la GC(H) oppose le "droit " collectif forme d'expression de la propriété commune, comme une phase courte avant la disparition de tout droit . 

 

Le Front Populaire légitime la démocratie parlementaire, comme mode d'exercice de la souveraineté populaire. A l'opposé, la G.C(H) appelle au boycott permanent, au profit d'assemblées de salariés réunies sur les lieux de travail et appelées "Conseils Ouvriers". Lénine, dénonce les tenants de l'antiparlementarisme dans " La Maladie infantile" qui est un texte qui s'adresse uniquement à la G.C(H) (et certainement pas à Trotsky et encore moins à Mao), Lénine s'évertue à construire "l'Etat" socialiste, il présuppose donc un stade de Front Populaire au sein de la transition, ce qui est conforme à sa défense d'un "droit" des "peuples". Mais il ne participera pas à la mise en oeuvre des présupposés contenus dans ses textes et mots d'ordre, il meurt en 1924. Il n'aura combattu concrêtement et personnellement que pour le Front-Unique.

 

Ce fait va servir, les tenants du Front-Unique qui ne veulent pas passer au Front-Populaire. Autrement dit, sa disparition prématurée va servir les tenants d'un social - démocratisme "révolutionnaire". Ceux-ci s'opposent au "Classe contre classe", mis en oeuvre notamment au moment de la bolchévisation, thèse de la G.C.(H), dont-ils dénoncent le sectarisme (en accusant d'ailleurs Staline d' en être responsable, alors qu'il s'agit d'un mot d'ordre mis en oeuvre par Zinoviev, président de l'Internationale Communiste, qui est le représentant au sein de l'I.C du positionnement théorique de la G.C(H) ( même si les idées de Zinoviev, n'atteignent jamais la qualité et la précision de la Gauche Conseilliste ou des Bordiguistes).

Le porte parole le plus significatif et le plus conséquent du social-démocratisme "révolutionnaire" est Trotsky, l' "Homme au-dessus des fractions" le conciliateur éternel d'un rapprochement entre menchéviks et bochéviks, le tenant d'un socialisme d'avant 14 , quand les deux fractions cohabitaient dans la même maison (par bien des côtés, proche de Rosa Luxemburg, qui, elle aussi; se fait forcer la main par la G.C (H) allemande pour créer un parti communiste allemand ; elle aussi opposée à la théorie du "Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes").

 

En France, les "amis" de Trotsky, et notamment les syndicalistes révolutionnaires (Monatte et Rosmer) s'opposent à  la stratégie qui consiste à créer des cellules d'entreprises au dépend des cellules de villes, ligne défendue par les partisans du       "classe contre classe", c'est à dire à rompre avec l'électoralisme (qui fait le lien avec les socialistes et les tendances de droites encore présentent dans le parti), qui survalorise donc le salarié en "général" au dépend du salarié exploité ( le salarié en "général" étant mieux et plus présent dans les syndicats, notamment les fonctionnaires) et bien entendu, ils accusent Staline d'être le porteur de cette ligne car celui-ci dans sa survalorisation de l'Etat et du socialisme dans un seul pays, annonce le Front - Populaire. Il noie donc le social-démocratisme conséquent dans le marais du républicanisme sans rivage et les rejettent donc du côté d'une phase du mouvement ouvrier qui serait dépassé ( par la remonté du fascisme, l'exterminisme nazi et donc la nécessité d'un retour aux droits de l'homme et à l'esprit des lumières). 

 

Staline comprend très bien les enjeux, c'est pourquoi il ne s'oppose pas frontalement au mot d'ordre "classe contre classe", car il permet d'isoler les partisans du seul Front-Unique en les réduisants à n'être qu'une sous- catégorie dogmatique (car incomplète) du Front Populaire. Des gens qui n'admettent pas qu'ils sont eux-mêmes, l'expression d'une forme petite- bourgeoise du mouvement ouvrier: l'aristocratie ouvrière non-exploitée, et aussi le fonctionnariat. Staline en reconnaissant implicitement le bien fondé de l'analyse de la G.C (H), mais en renvoyant, ses valeurs aux critiques de Lénine ( se sont "des gauchistes" car ils confondent le but avec les moyens), veut isoler les partisans du seul Front-Unique, qu'il considère comme bien plus dangereux.

Trotsky comme représentant du Front-Unique entend, lui, être le seul interlocuteur valable des partisans du "classe contre classe",il veut assurer une réponse à leur critique du socialisme dans un seul pays. Il développe son explication de la déviation par le non- développement de la révolution permanente. Il reste, aujourd'hui encore, avec les austro-marxistes, le seul représentant légitime du "socialisme" révolutionnaire. Pour lui "communisme" veut dire, libération de l'individualité sociale sous régime socialiste. Comme Lénine, il considère que la libération de la classe ouvrière passe par sa "désexploitation". Le sujet social dans son modèle de libération est essentiellement un sujet sociéto-social, mais plus un sujet économique. Tout salarié doit avoir droit à une part sociale du salaire globale, l'acte productif, ou non, est inessentiel dans le statut du salarié, ce qui est déterminant c'est qu'il ne soit plus propriétaire des moyens de production. Il est donc naturellement porté à attaquer la forme privée du droit de l'hommisme, forme privée, encore prise en compte par le Front- Populaire, mais la forme publique lui suffit, car outre le fait que dans la socialisation la place de l'acte de production (rapports de production) est chez lui inessentielle, il ne prend en compte que la nature de la propriété (privée ou non), c'est bien plus la qualité des forces productives (moyens de production et objets de travail (matières premières, marchandises) ), qui constituent le moteur essentiel du bouleversement social.

 

C'est cette approche particulière de L'Etat qui entraine Trotski à ne plus voir chez le fonctionnaire sa dimension bougeoise et à faire de l'Etat un Etat "Ouvrier". Il se sert de la particularité russe,qui fait assurer le fonctionnariat par une majorité de membres du parti, pour confondre Etat et Parti, et affirmer que le bureaucratisme est le produit d'un groupe comparable à une église. qui donc vit de façon parasitaire sur le dos de la société. Il y a donc confusion entre Etat (fonctionnaire) et ses missions de redistributions et Parti (centre producteur de l'idéologie, tout comme l'Eglise dans la société tzariste) chez Trotski. Il ne voit pas que "l'Etat" instrument indispensable durant la phase de transition est bien producteur d'une bourgeoisie, par missions, et non par parasitisme. 

 

La Situation actuelle :

 

Il y a un siècle, que la révolution d’Octobre a eu lieu, que de bouleversements !

Qui peut croire que les enjeux sont restés les mêmes !

Notre capitalisme qu’a t-il de commun et qu’a-t-il de différent ? Il y a une essence du capitalisme, oui, mais elle se manifeste de façon largement différente. Ce que Lénine annonçait, l’impérialisme, la financiarisation etc. nous les connaissons aujourd’hui sous la forme de leurs pleins épanouissements, voire du début de leurs déclins (leurs putréfactions) etc. etc.   

Qui peut reprendre (honnêtement) aujourd’hui le débat Staline -Trotski. Que nos deux auteurs veulent absolutiser en constituant des tendances qui doivent se perpétuer à travers le temps.

 

Le débat Staline-Trotski porte sur la paysannerie et son rôle.

L’un dit : - l’alliance est essentielle, elle doit être maintenue, c’est la dictature des deux.

L’autre dit :

 L’alliance est inégale, elle doit être tournée à l’avantage et sous l’hégémonie de la classe ouvrière.

 

De ces deux représentations chaque camp en tire une lecture que des sectes politiques cherchent aujourd’hui encore à perpétuer.

Le premier, Staline, au nom de ce principe dit :

- Vive l’Etat et vive le socialisme dans un seul pays !,

L’autre répond :

- Vive la révolution mondiale et vive la révolution permanente !

 

Mais aujourd’hui où en est-on ?  La paysannerie, combien de divisions ? Surtout en Occident.

Et la classe ouvrière (celle représentée idéologiquement dans ce débat, la catégorie sociologique ouvrière) elle est en plein déclin dans les pays développés !

 

Le problème actuel est celui de la petite et moyenne bourgeoisie modernes, et tant dans leurs modes de constitution que dans leurs devenirs historiques, elles ne peuvent être comparées à la paysannerie (réserve des usines et du prolétariat) du début du 20 siècle, qui plus est en Russie (fin assez récent du servage) !

 

A quoi sert de maintenir un débat qui ne correspond plus à aucune réalité, sinon à maintenir un rapport idéaliste à la politique.

 

Or, c’est le mode même sur lequel sont rassemblés ces textes de Staline, il veut fixer une ligne politique au Mouvement Communiste International en le figeant dans une grille de lecture correspondant à un moment de l’histoire, moment de l’histoire qui s’est révélé, que nous le voulions ou non, essentiellement russe !

 

-  La révolution chinoise fut essentiellement une révolution de maquis paysans,

- La révolution cubaine celle de maquis petit-bourgeois,

- Il n’y eu pas de révolutions dans les Etats de Démocratie Populaire ou le « socialisme » fut imposé par la victoire militaire de l’armée rouge (excepté en Yougoslavie et en Albanie).

 

Personne n’a imité le « modèle » russe, donc ce modèle fut bien une exception essentiellement russe, que Staline le veuille ou non. 

 

 Quant au bilan, l’Histoire ne nous a pas suivis, et le mouvement a été défait dans l’espace russe et plus largement dans l’espace socialiste. Peut-on donc continuer de s’y référer de façon intangible, comme Staline nous le demande, sans sombrer dans une forme d’idéalisme réactionnaire. (retour en arrière) ?

 

Interessons nous à quelques textes:

 

Texte I) : Des principes du léninisme (p.1à118)

 

1) Les racines historiques du léninisme

2) La méthode

3) La Théorie

4) La Dictature du Prolétariat

5) La Question Paysanne

6) La Question Nationale

7) La Stratégie et tactique

8) Le Parti

9) Le style de travail

 

 

Ne prenons, pour exemples, que les deux derniers chapitres.

 

Le chapitre 8 : Le parti léniniste nous dit Staline rompt totalement avec l’ancien modèle social-démocrate. Est-ce si vrai que cela ?

Le parti est "un détachement organique", le parti est « une avant-garde », il est « le chef de la classe ouvrière » il est « l’état-major de combat du prolétariat », mais le parti n’est pas la classe. L’essentiel de la classe continue d’être incarné par les sans-parti, représentés par d’autres institutions : syndicats, clubs etc.

 

On peut déjà constater cette déviation droitière dans la pensée de Staline qui consiste à confondre classe ouvrière et prolétariat. Les deux étant indifféremment utilisés. Nous avons indiqué sur ce site (DCO) les effets politiques de cette confusion. Celle-ci rejaillit sur la caractéristique de la nature de classe du système. Si l’on confond classe ouvrière et prolétariat, on se met en impossibilité d’analyser la situation dans laquelle se trouve l’Union Soviétique de l’époque.

On caractérise celle-ci d’Etat Ouvrier (ou encore d' Etat Prolétarien, qui si on introduit une division au sein de la classe ouvrière entre aristocratie ouvrière et prolétariat, rend ce schéma encore plus absurde) ce qui est structurellement impossible.

Si on entend par Etat Ouvrier un Etat qui représente les intérêts de la classe ouvrière, il y dans cette affirmation, une grave, voire une très grave déviation droitière, précisément parce que ceux qui font vivre et fonctionner cet Etat, ne sont pas des ouvriers. Comment un personnel sensé diriger et dominer (cas de tout Etat) peut-il appliquer, conduire et mettre en œuvre, des intérêts sans y être soumis et en être lui-même affecté.

 

Le seul modèle conséquent qui s’oppose à cela est le modèle conseilliste, qui dit vouloir substituer à des fonctionnaires, des ouvriers délégués sur mandats impératifs, courts, et circonstanciés. Or la réalité des Conseils et Soviets est qu’ils ne se sont substitués qu’au parlementarisme politique, ils ne sont jamais devenus des chambres d’administration. Il y a eu dans tous les cas, à côté des Soviets, maintien d’une administration étatique (fonction publique) donc il y a eu maintien d’une bourgeoisie d’Etat, par effet de compétence.

 

Parler de prolétariat donc, comme sous- catégorie ouvrière, les privés de tous droits, est encore plus absurde, pour caractériser des fonctionnaires. Ils en sont l’exact image inverse, pas besoin de développer, nous avons explicité ailleurs cette idée.

 

Cette déviation qui n’est pas propre à Staline, connait malgré tout chez lui une accentuation qui au fil du temps va se cristalliser pour se déformer vis-à-vis du marxisme.

 

Le parti nous dit Staline est « la somme de ses organisations », « son système unique », il est « l’instrument de la dictature du prolétariat ». « Le prolétariat a besoin du parti pour conquérir et maintenir sa dictature, le parti est l’instrument de la dictature du prolétariat ».

 

Dans cet extrait fondamental et central de la vision stalinienne du parti, on perçoit clairement ce qu’est la conception centriste et qu’elle déviation unilatérale elle induit. Les Institutions sont des organismes monolithiques qui ne peuvent admettre le pluralisme dans la mesure où elles incarnent la dictature du prolétariat. Le parti est une institution, le parti ne peut admettre les fractions.

 

Certes Staline reconnaît formellement que les divergences d’opinions peuvent exister dans le parti, mais elles doivent rester des formes d’expression propre au militant comme sujet isolé. A aucun moment le militant ne doit chercher à les transformer en forces matérielles par l’agrégation avec d’autres militants. Autrement dit le militant peut toujours diverger où s’opposer verbalement, jamais constituer un courant ou fraction risquant d’acquérir du pouvoir, en agissant matériellement.

Cette vision de l’expression de la démocratie politique est conforme à l’expression politique bourgeoise quand elle traite de la relation du sujet de droit face à l’Etat. L’Etat entend discuter avec ses ressortissants, pas avec des représentations intermédiaires qui prétendent parler en leurs noms. Staline lui résout la question, en faisant de l’Etat et des organismes intermédiaires un mécanisme unique ou ne s’exprime aucune divergence puisque le principe du parti (le centralisme démocratique) s’applique partout.

 

Quel intérêt réel peut bien représenter cette « pensée unique », certainement pas celle de la classe ouvrière, puisqu’elle nie que la classe ouvrière soit divisée, elle ne reconnait aucun phénomène réel sociologique, économique, psychologique de division. Le parti a la ligne et il l’applique, mais qu'elle ligne applique-t'il si il est l'expression d'une classe divisée?.A moins bien sûr qu'on nie qu'elle le soit, ou pire encore qu'on fasse taire "administrativement" ses divisions. Mais plus grave encore, dans cette représentation, un jeu de substitution et de permutation transforme l’Etat en parti et le parti en Etat : C'est la théorie du "mécanisme" Unique.

 

Si les militants Marxistes-Léninistes « Staliniens » étaient honnêtes avec eux-mêmes, ils devraient soient rejeter totalement cette ligne politique, soit réintégrer le PCF et s’y soumettre.

 

Démonstration :

Le parti ayant toujours raison, le parti constituant un "mécanisme" unique, le parti ne peut pas dévier. Sortir du parti pour constituer des fractions c’est trahir le parti, s’agréger en parti autonome rassemblant de multiples membres, c’est trahir le parti. Le groupe dirigeant appliquant la ligne de Staline, par effet mécanique, nul ne peut surgir in-extenso pour proposer une nouvelle ligne, qui plus est avec des partisans et une représentation sociale de catégories antagonistes. Ou alors, il y a un hiatus quelque part.

 

C’est ce que les militants M.L s’ils étaient conséquents avec eux-mêmes devraient logiquement conclure. Si on en croît Staline, jamais ces groupes(les M.L) n’auraient du apparaître et qui plus est aucun marxiste-léniniste véritable ne devrait les suivre.   

 

Le chapitre 9 : Traite du lien entre élan révolutionnaire et sens pratique américain qui fait selon Staline le fonds du style léniniste. Staline met ici en avant, un autre problème, source de la déviation marxiste-léniniste, extrêmement concret pour les communistes actuels que nous sommes. Comme Lénine, il est fasciné par les méthodes de travail issues de Taylor et de Ford. Il voit dans le pragmatisme américain, l’antidote à l’inefficacité d’une certaine pensée révolutionnaire qui fuit la pratique quotidienne et les tâches immédiates au profit d’une pure pensée détachée de la mise en pratique, très justement, il met également en garde contre l’effet inverse, qui réside dans la fuite dans les tâches immédiates sans sous-bassement révolutionnaire et ne génère que de l’affairisme. Cependant à aucun moment, comme Lénine, il ne remet en cause, les effets politiques des choix pratiques que le tayloro-fordisme sous-entend. Il n’a aucun regard critique sur la division sociale et la division technique que ce type de mise en œuvre du travail génère. Là aussi, une telle déviation n’est envisageable qu’au regard de l’existence d’un capitalisme d’Etat, pour qui la remise en scelle et l’accentuation de la division du travail dans la ligne hiérarchique est un phénomène neutre qui n’a aucun effet sur la nature de la société.

 

 

 

Sur le projet de constitution de l’URSS ( p.808 à 847):

 

La réunion devant valider politiquement le projet a lieu en 1936 (Congrès des Soviets de l’URSS) :

 

Tous les propos et le fonds idéologique tend à valider la nature du régime et de l’Etat comme Etat du Peuple tout Entier, ceci dès 1936, désormais il n’existe plus de lutte de classes en URSS, il ne subsiste que 3 groupes sociologiques (appelés « classe » au sens sociologique du terme, mais pas classe au sens marxiste de la confrontation économique)

 

"Cela signifie que l'exploitation de l'homme par l'homme a été supprimée, liquidée, et que la propriété socialiste des instruments et moyens de production s'est affirmée comme base inébranlable de notre société soviétique"

 

"...de sorte que toutes les classes exploiteuses ont été liquidées.

est restée :

-La classe ouvrière

-La paysannerie

-Les intellectuels " p 812 et 813

 

On remarquera que comme dans tout bon point de vue centriste qui se respecte, la hiérarchie d’entreprise (cadres et patronat) mais aussi le fonctionnariat, sont escamotés. L’Etat et ses employés disparaissent. C’est normal puisque Staline applique jusqu’au bout la logique de sa ligne, l’URSS de 1936 peut être pleinement appelé "Etat- Ouvrier" à condition d’escamoter les catégories qui le font fonctionner.

 

Et il poursuit : « On ne peut plus parler de prolétariat »

 

« Prenons par exemple, la classe ouvrière de l’URSS ; On l’appelle souvent, par vieille habitude prolétariat. Mais qu’est-ce que le prolétariat ? Le prolétariat est une classe privée des instruments et des moyens de production dans le système économique où instruments et moyens de production appartiennent aux capitalistes et où la classe des capitalistes exploite le prolétariat. Le prolétariat est une classe exploitée par les capitalistes. Mais chez nous, on sait, la classe des capitalistes est déjà liquidée ; les instruments et moyens de production ont été enlevés au capitalistes et remis à l’Etat, dont la force dirigeante est la classe ouvrière. Par conséquent, notre classe ouvrière non seulement n’est pas privée des instruments et moyens de production au contraire elle les possède en commun avec le peuple entier. Et du moment qu’elle les possède et que la classe des capitalistes est supprimée, toute possibilité d’exploiter la classe ouvrière est exclue. Peut-on appeler notre classe ouvrière, prolétariat ? Il est clair que non. Marx disait : pour s’affranchir, le prolétariat doit écraser la classe des capitalistes, enlever aux capitalistes les instruments de production et supprimer les conditions de production qui engendre le prolétariat. Peut- on dire que la classe ouvrière de l’URSS a déjà réalisé les conditions de son affranchissement ? On peut et on doit le dire incontestablement. Et qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que le prolétariat de l’Urss est devenue une classe absolument nouvelle, la classe ouvrière de l’URSS, qui a anéanti le système capitaliste de l’économie, affermi la propriété socialiste des instruments de production et qui oriente la société soviétique dans la voie du communisme. Comme vous le voyez, la classe ouvrière de l’URSS est une classe ouvrière absolument nouvelle, affranchie de l’exploitation, une classe ouvrière comme n’en a jamais connu l’humanité. » p 813 et 814.

 

Ce texte est central pour qui veut comprendre la déviation stalinienne et sa négation de la société soviétique comme société de classes.

 

D’emblé on remarque la correspondance qui est établie entre prolétariat et la classe ouvrière, mais si le prolétariat est une classe ouvrière sans droits, la classe ouvrière soviétique « a » des droits, du fait même que l’Etat est propriétaire. La socialisation dans la représentation stalinienne se réduit à l’étatisation. Apparemment Staline n’a jamais entendu parler du capitalisme d’Etat. Bismarck, Staline ne le connait pas. Staline ne sait pas qu’il existe une propriété publique en régime de capitalisme privée. Si l’entreprise est nationalisée elle serait socialisée forcement au sens de l’anti-exploitation, par quel miracle ? Staline répond parce que l’Etat est « ouvrier », donc l’Etat ne peut pas être un exploiteur collectif, en URSS. Les fonctionnaires sont des ouvriers, voilà l’escamotage de Staline.

Autre déviation, Staline dit : la propriété joue un rôle fondamental, mais aussi les « conditions de production », mais où est l’explication de la modification des conditions production dans la gestion de ses entreprises étatisées ? Il n’en fournit aucun exemple, et pour cause, rappelons- nous qu’il a idéalisé dans « les principes du léninisme » le modèle de gestion américaine, le tayloro-fordisme. Il a entièrement validé la remise en place de la ligne de production hiérarchisée voulu par Lénine pendant la NEP et défendu par Lénine dans son ouvrage « Sur L’Infantilisme de Gauche » justifiant cette ligne comme un capitalisme d’Etat voulu et assumé.

Là encore la ligne hiérarchique est escamotée, Patrons et cadres, employés comme fonctionnaires, tous deviennent des « ouvriers » par simple adhésion idéologique, à moins qu’ils ne soient assimilés à des « intellectuels » pour ne pas employer le terme d’apparatchiks.

 

Par quelle ressource l’Etat soviétique est-il alimenté ? Qui crée les richesses permettant l’impôt ? Qui fournit le supplément de valeur nécessaire à l’entretien de l’appareil d’Etat et de ses fonctionnaires ? L’ensemble des biens et des services qu’un fonctionnaire avec son traitement et la ligne hiérarchique de l’entreprise publique avec ses émoluments peuvent acheter. La classe ouvrière soviétique n’est pas exploitée ? Staline nous prend-il pour des imbéciles !

 

On aboutit ainsi à cette singulière déformation stalinienne du développé de l’évolution sociale où le dépérissement de l’Etat devient inessentiel dans l’avancé vers le communisme. Dans l’un des derniers textes de ce Survey, il annonce même, comme nous allons le voir, son espoir de bientôt pouvoir passer au communisme, alors que la majeure partie de l’humanité reste dominée par le capitalisme!

 

       Texte 3) Rapport Présenté au XVIII congrès du parti sur l’activité du comité central du parti communiste (bolchévik) de l’URSS

 

« L’Etat subsistera - t’il aussi en période de communisme ? 

 

Oui, il subsistera si l’encerclement capitaliste n’est pas liquidé, si le danger d’agressions militaires du dehors n’est pas écarté. Et l’on conçoit que les formes de notre Etat seront de nouveau modifiées à la suite des changements qui pourront survenir dans la situation intérieure et extérieure.

Non, il ne subsistera pas, il disparaîtra, si l’encerclement capitaliste est liquidé, s’il est remplacé par l’entourage socialiste. Il en est ainsi du problème de l’Etat socialiste. » p 953

 

La déviation centriste du stalinisme, tourne ici à la déviation de droite, ce qui est normal, car nous l’avons vu l’une comme l’autre exprime les intérêts de la bourgeoisie (privée ou d’Etat)

 

Staline va jusqu’au bout de son reniement du marxisme, il en vient donc à affirmer que le communisme peut exister alors que l’Etat est maintenu, mais en plus il affirme d’autre part que le communisme peut exister alors que le reste du monde reste capitaliste !

 

Nous savons que pour Marx comme pour Lénine une telle situation est impossible, c’est pourquoi ils affirment que le communisme ne peut être qu’un stade historique mondial où tous les Etats ont disparu.

 

C’est la déformation logique contenue dans sa représentation d’un stade socialiste comme « socialisme dans un seul pays » qui conduit Staline à dégénérer sur la question du communisme.

« Le socialisme dans un seul pays » est un mot d’ordre acceptable pour les léninistes  (et D.C.O se revendique de la filiation léniniste, même si aujourd'hui, il faut interroger le léninisme au regard des fins du communisme) parce qu’ils considèrent que le socialisme n’est pas une phase économique stable, n’est pas un mode de production. Autrement dit, le « socialisme » est une phase de transition qui voit s’affronter ce qu’il reste de capitalisme et de bourgeois à ce qui apparaît de communisme et d’ouvrier.

Or pour Staline la confusion existe entre socialisme et communisme : « Il en est ainsi du problème de l’Etat socialiste » conclut -il, précisément parce que le socialisme est d’Etat et c’est ce qui fait la différence avec le communisme. Mais comme chez lui il y a une grande confusion idéologique entre socialisme et communisme, il nous parle dans cet extrait d’un pseudo déroulé du communisme, qu’il réduit à une variante de socialisme, où l’Etat n’a plus besoin de disparaître.

 

Pourquoi cette dégénérescence totale du marxisme ? C’est en revenant au début du rapport que l’on peut comprendre comme la déviation s’insinue, comment il cherche à masquer idéologiquement la défense de son groupe social d’appartenance.

 

Il veut chercher à répondre à la question posée par de nombreux militants : pourquoi, l’Etat ne dépérit pas alors qu’il prétend qu’il n’y a plus de classes sociales en URSS?

 

Il veut montrer à ceux qui se souviennent de ce que disaient Marx et Lénine qu’ils se trompent. Il invente donc un déroulé de la résolution des contradictions, où la question de l’Etat deviendrait une question subsidiaire. Il n’hésite pas pour cela à se servir de l’aphorisme d’Engels repris d’un texte du communisme utopique sur le communisme comme « administration des choses » (beaucoup de militants communistes oublient que cette référence est issue du socialisme utopique, que Marx et Engels utilisent pour ne pas préciser plus avant les finalités).

 

En effet le terme « administrer » est totalement ambigüe, il signifie d’un côté « gérer » et de l’autre « organiser » mais dans le vocabulaire courant quand on parle « d’administration » on renvoie à l’organisation « publique », l’organisation « d’Etat » ou « communal », à une topique, c’est-à-dire à l’institutionnalisme et à la délégation de pouvoir. Or précisément, la doctrine communiste prétend que la révolution communisme oblige au modèle de la Commune de Paris, à la non-institution de la délégation de pouvoir et au turn-over des mandats et des fonctions. Staline escamote la question car il veut éterniser l’Etat, pour mieux éterniser son groupe d’appartenance : la bourgeoisie d’Etat.

 

Autre exemple encore plus frappant et plus symptomatique, nous avions déjà décelé dans la constitution de 1936, la déviation sociologisante et antimarxiste d’une société réconciliée avec elle-même « l’Etat du peuple tout entier » où n’existerait plus que des catégories sociales amies et plus des classes sociales, sinon antagonistes, du moins conflictuelles.

Staline se réfère à :

- La classe ouvrière

- La classe paysanne

- Les intellectuels

 

Staline voit venir le danger, il organise donc tout un pseudo débat, où là aussi il va jouer sur l’ambiguïté du vocabulaire et des concepts. Dans cet article de 1939, il reprend donc le débat de 1936 en introduisant une catégorie proche de celle « d’Intellectuel », « l’intelligentsia », et il le fait parce qu’il voit précisément venir le danger des questions et des interrogations. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, où devait-on placé dans le sociologisme de 36, les membres de l’appareil d’Etat ?  Pouvait-on considérer qu'ils étaient tous des intellectuels au sens où le marxisme utilise traditionnellement cette catégorie. En un mot un fonctionnaire, un cadre d’entreprise publique sont-ils des "intellectuels" dans leurs missions. On voit bien que non, le statut d’intellectuel touche à la reproduction idéologique, celui de fonctionnaire à la reproduction et l’administration d’un système, celui de cadre d’entreprise à sa reproduction économique. Il se trouve que la catégorie « russe » d’intelligentsia permet de faire le lien entre les trois, tout en escamotant la question de l’Etat, comme celle du mode d’organisation de l’entreprise, donc la question du type de liens que ces derniers entretiennent avec leurs agents et avec l’origine de leur financement (achat /vente de la force de travail, versus, impôt générant des traitements et des émoluements ), donc de leurs modes de rémunération.

 

Dans le modèle russe comme dans le modèle asiatique en général, l’administration est fortement structurée autour de ses lettrés (sociétés retardataires où domine l'illétrisme). Le recrutement s’opère au moyen du système méritocratique et donc d’examens (système démocratisé dans le républicanisme bourgeois français), il est donc clair que le fonctionnaire doit passer par un long système d’études avant de présenter les concours. Dans les modèles prérévolutionnaires féodaux, ces catégories forment une « aristocratie » d’esprit et de statut. Staline va jouer de l’ambiguïté de cette situation pour affirmer que ceux qui s’opposent à l’intelligentsia le font en confondant l’intelligentsia tzariste et l’intelligentsia révolutionnaire. Si la première est issue d’une minorité de privilégiés, la seconde au contraire est issue du peuple et de la démocratisation comme de la massification du système scolaire. Par son statut d’origine, la seconde servirait donc naturellement les intérêts des classes laborieuses. Il peut donc truquer le débat et accuser ceux qui s’interrogent de déviation gauchiste. L’Etat peut donc se maintenir dans la déviation stalinienne, car il est pure « administration » par l’ensemble du peuple, il est « Etat du peuple tout entier ».

 

Pourtant ceux qui s’interrogent posent les bonnes questions, le maintien de l’Etat dans la vision déformée du stalinisme n’est possible que parce que les catégories qui le font fonctionner sont escamotées comme catégories non- productives au sens marxiste du terme. Et pour renforcer la fiction d’un Etat- Ouvrier Staline institue un triple révisionnisme, il ouvriérise  une prétendue origine de classe du statut (ici le fonctionnariat), l’origine de classe des missions et des fonctions (la redistribution), l’origine de classe de la rémunération (le traitement devient un salaire), En un mot il sociologise l'approche alors que la véritable question de l'exploitation est d'abord économique.

 

Autrement dit il nie que le fonctionnariat engendre de la bourgeoisie non pas uniquement dans ses missions, mais par son organisation même. Ce qui conduit tout Etat à devenir via l’impôt un exploiteur collectif.

 

La question d’une bourgeoisie d’Etat est escamotée comme l’est celle du capitalisme d’Etat et donc celle de faire disparaître l’Etat, comme le modèle de la Commune de Paris nous y incite chez Marx et Lénine.  

 

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