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Article paru dans "APPROCHES MARXISTES" revue de la Gauche Communiste du P.C.F de 2005 

 

Défendre l'Etat Prolétarien, oui, mais en faisant son bilan. Défendre le stalinisme , jamais !

 

LE CAS MARTY ET LA QUESTION DU STALINISME

 

" L'Affaire Marty" ouvrage d'André Marty

Plus qu’un ouvrage dû aux circonstances, ce livre témoigne de la réaction désespérée d’un homme face à un système qui cherche à le broyer, autant qu’à le déshonorer. Marty fut d’abord un homme d’engagement, un acteur important de la lutte du courant révolutionnaire français au début du vingtième siècle.

Héros de la Mer Noire, où il participe à la révolte des marins en soutien à la révolution russe (1). Héros de la guerre d’Espagne où il organise les Brigades Internationales (2), Rol-Tanguy a (tardivement) rendu hommage à l’homme qui le commanda, et récemment les historiens ont fait fi de l’accusation reprise par Ernest Hémingway dans son célèbre ouvrage "Pour qui sonne le Glas" de la légende du « boucher d’ Albacète » qui aurait stoppé la débandade anarchiste à la mitrailleuse. Au contraire, dans ce réquisitoire contre la direction stalinienne du parti, Marty rend hommage au courant du syndicalisme révolutionnaire dont il est issu. Réfugié durant la seconde Guerre mondiale, sur ordre du parti, en Algérie auprès du gouvernement provisoire, il y défend une intéressante conception d’un gouvernement national à tendance révolutionnaire. Il y affirme notamment sa volonté de transmettre aux nouveaux cadres communistes issus de la résistance toute l’autorité. Pour lui, seuls ceux qui ont participé à la Résistance ont l’autorité nécessaire pour construire la société nouvelle. Thorez ne le lui pardonnera pas.

 "L'Affaire Marty  " écrit par André Marty, est un ouvrage intéressant, car il comporte en son sein des traces de questionnement du modèle que les partis communistes staliniens avaient de la rupture révolutionnaire, et donc de ses limites et ses échecs futurs. Même si cet ouvrage ne traite que du modèle français, cette affaire aujourd’hui encore reste exemplaire de la confusion qui continue de régner, entre appréciation de ce qu’est le stalinisme quand il s’oppose à d’autres points de vue communistes (trotskisme, conseillisme, anarchisme etc.) et de son lien ambivalent tant avec le point de vue révolutionnaire qu’avec son contraire, le réformisme.

Réédité au milieu des années 70 par une maison d’édition marxiste-léniniste pro-albanaise (Norman Béthune), ce pamphlet se veut exemplaire de la résistance au réformisme au nom du marxisme-léninisme. Alors qu’il comporte selon nous, tout autant d’idées servant à dénoncer la dimension réformiste, que ce même marxisme-léninisme contient en lui-même, par essence.

 

Mais d’abord, revenons sur la nature et les ambiguïtés du modèle qui a porté le mouvement communiste international pendant des années, le modèle stalinien de rupture avec le système capitaliste.

 

Le stalinisme est il une idéologie contre- révolutionnaire ? Empêche-t-il de faire la révolution ?

 

A regarder l’histoire de plus près, on peut aujourd’hui tenter un premier bilan. Le stalinisme comme phénomène russe est bien l’histoire d’un reflux révolutionnaire se transformant en contre-révolution.

En effet, là où existait la démocratie ouvrière directe, il renforce le poids des directions et de l’encadrement. L’Etat comme appareil répressif, mais aussi idéologique, devient tout puissant. Le socialisme dans un seul pays donne au phénomène d’institutionnalisation des organisations politiques, syndicales, associatives, etc, un poids déterminant, d’où un développement inusité jusqu’ alors de la bureaucratisation du système. Les travailleurs, les producteurs perdent l’initiative au profit des hommes de l’appareil (les apparatchiks). Staline (qui le reconnaît d’ailleurs) est bien d’abord l’homme de « la pause » dans la marche au socialisme (demandée par la majorité du peuple russe), il est l’homme du compromis entre des tendances opposées (droite, gauche) qui n’arrivent pas à imposer un rapport de forces suffisant pour l’emporter. D’ où son caractère particulier, lié à la situation instable qu’il occupe (centrisme), et qui le pousse à trouver des substituts idéologiques. C’est lui qui fixe désormais le rythme de la lutte des classes sur le territoire russe, c’est lui qui décide de transformer la police en régulateur de cette même lutte des classes. La collectivisation forcée, la déportation de peuples d’Asie centrale, les procès de masse, etc. ne sont pas l’expression d’une lutte politique franche entre groupes sociaux antagonistes, mais les reflets déformés de cette même réalité par un appareil d’Etat ayant un dictateur paranoïaque à sa tête.

L’idéologie stalinienne est bien une idéologie centriste née des circonstances historiques russes. Le collectivisme comme phénomène de socialisation, au début de la révolution (phase conseilliste) y connaît une véritable poussée, puis recule au profit du capitalisme d’Etat, par institutionnalisation du mouvement ouvrier transformant ses cadres en bourgeoisie d’Etat.

A ce schéma objectivement contre-révolutionnaire, ne manque plus que la restauration du capitalisme « privé » comme parachèvement du processus. Nous avons assisté en direct à cette restauration. Tous les leaders des « gauches » avaient annoncé un tel phénomène, même s’il aura pris plus de temps que prévu.

 

L’histoire a suivi ce processus dans tous les pays « socialistes » excepté Cuba et la Corée du Nord (cette dernière n’arrivant à maintenir son mode d’organisation stalinien que par un isolement total qui a des conséquences dramatiques pour son peuple). Deux modèles qui représentent à nos yeux deux phases contradictoires du socialisme d’Etat, la phase populaire révolutionnaire (que Cuba tente de préserver), la phase bureaucratique encore que stalinienne ou révolutionnaire. Mais surtout, il doit être étatiste (dénonciation de l’autogestion yougoslave, des communes populaires chinoises, etc.).

 

Thorez, stalino-révolutionnaire ou stalino-réformiste ?

 

Dans ces conditions il redevient intéressant de s’interroger sur le cas français. Thorez, derrière son stalinisme affiché, est-il réformiste ou révolutionnaire ? Cela dépend. En effet, si on s’intéresse à la dimension populaire révolutionnaire du processus, on peut considérer qu’il est passé d’une position « révolutionnaire » d’avant guerre (36) à une position réformiste de la Libération (parti de gouvernement). Mais si on s’intéresse aux résultats escomptés et à la nature du socialisme qui aurait pu être mis en place, c’est bien à un capitalisme d’Etat que l’on aurait abouti.

Quant au fond, Thorez a très bien compris Staline : si on peut éviter le moment révolutionnaire, pourquoi s’en priver, dans la mesure où c’est un modèle basé sur la seule nationalisation des trusts qui est visée ? Une bonne entente avec l’aile radicale du socialisme devrait suffire pour assurer le passage pacifique et pour mettre en place l’étatisation, ce à quoi la petite bourgeoisie comme la bureaucratie ouvrière ont tout intérêt.

 

Ce qui est intéressant dans l’ouvrage d’André Marty, c’est que l’on assiste à la prise de conscience d’un homme qui n’est pas un théoricien du socialisme. C’est un praticien qui a montré qu’il avait des valeurs (révolte de la Mer Noire, guerre d’Espagne, conception du gouvernement de la Libération de la France) et aussi un grand tribun populaire qui a l’instinct de sa classe. Il ne comprend pas tous les tenants et aboutissants des grandes options qui s’affrontent, mais il voit bien que le Parti communiste est passé de l’autre côté de la barrière ( réformisme). Comme sa conception du socialisme est encore imprégnée du stalinisme d’avant-guerre, il met en avant la disparition du moment populaire du projet de transformation que le parti défend désormais et notamment sa défense des nationalisations comme seul moment de transformation objective du système. (Ce passage est pour nous extrêmement éclairant sur la conscience qu’avait dès le début  certains dirigeants du parti sur les limites intrinsèques aux nationalisations). Dans les derniers moments de sa vie, Marty renouera avec ces camarades du Monde Libertaire et avec les trotskistes.

 

Nous n’avons pas traité ici du « procès » fait à Marty ni des méthodes employées. Tout ceci a été bien rapporté dans de nombreux ouvrages, le stalinisme est un totalitarisme. Non. Il nous est plus fondamentalement apparu nécessaire de mettre en avant la part d’ambiguïté que contient le stalinisme et qui peut donner à croire qu’il est porteur d’un modèle de développement révolutionnaire, parce qu’il participe dans son premier moment de la volonté populaire de renverser l’ordre ancien. En ce sens, il est aussi révolutionnaire qu’une « contre-révolution » qui elle aussi bouleverse en se basant sur une action de masse. Mais quant à son résultat, il instaure bien un capitalisme d’Etat.

C’est pourquoi le marxisme-léninisme, une fois le bilan effectué du « socialisme ayant réellement existé », apparaît bien comme étant une idéologie « révolutionnaire – conservatrice », par la soumission qu’elle effectue à la toute puissance de « L’Etat-nation ».

 

Ce que montre le camarade Marty avec son brio habituel, c’est que le mouvement communiste n’a pas pour objet de se battre simplement pour la nationalisation et l’Etat-nation par essence. Il le fait dans le cadre d’un premier moment révolutionnaire, parce qu’il se bat d’abord contre sa bourgeoisie nationale, mais son objectif réel, son objectif ultime, est de se battre pour le communisme, pour une socialisation collectiviste et une classe ouvrière qui sont par essences transnationales. Dès lors, en rester au socialisme dans un seul pays, c’est offrir à la contre-révolution les moyens de se refaire une santé en se servant de la bourgeoisie d’Etat et conduire tout naturellement à la restauration du capitalisme privé, beaucoup plus efficace aux yeux de tous les bourgeois.
 

    (L’AFFAIRE MARTY (extraits))

 

Marty héros de la Mer Noire (1)

 

Le 28 mars 1954

D’un vieux militant révolutionnaire

La vérité, la voici. Les dirigeants locaux (Isère) du Parti communiste français, par ordre supérieur et avec un mois de retard, me jugent indigne d’appartenir au PCF.

Indigne ?

J’ai été un de ceux de la Révolte de la Mer Noire (mutinerie en armes du croiseur Guichen, à bord duquel on s’est battu au corps à corps, le 15 juin 1919 contre les Sénégalais armés jusqu’aux dents, envoyés pour la répression ; ce sont ces mutineries qui arrêtèrent en moins de 5 mois la guerre contre les soviets).

Aujourd’hui on voudrait s’opposer à la guerre en se contentant de signatures et de palabres avec Daladier et voilà pourquoi, depuis bientôt 8 ans, la guerre dure au Vietnam.

Indigne ?

J’ai été l’animateur du premier Comité de défense qui arracha la libération d’Henri Martin mais pas en allant aux vins d’honneur dans les salons de l’hôtel Normandy à Grenoble.

Indigne ?

Pour avoir dit et écrit que c’est une infamie de mener une campagne aussi abominable contre André Marty et d’employer à son égard des procédés dignes de la pire police de Pétain.

André Marty qui compte plus de 40 ans d’action révolutionnaire, 7 ans ½ de bagne et de prison et que la direction du Parti communiste français a qualifié de policier.

C’est pour cela que j’ai écrit à Marcel Cachin : Il y a des traîtres à la direction du Parti communiste français et ce ne sont pas ceux qui sont traînés dans la boue par la presse communiste de France.

 

Camarades, aujourd’hui comme hier et encore demain, avec Virgile Vuillemin, avec d’autres anciens soldats et marins de la Mer Noire, qui ont par lettres manifesté leur solidarité à André Marty, avec tous les travailleurs trompés, par une infâme campagne de calomnies, et à ceux qui ont peur et qui se taisent, je leur dis bien haut, la conscience tranquille,

 

                         Non, André Marty n’est pas un traître ! Non, André Marty n’est pas un policier !                                                                              Chenaz Joseph

 

 

Marty héros de la guerre d’Espagne (2)

 

13 mars 1939

 

Mon Cher André Marty,

 

A l’heure où la campagne de la réaction fasciste se déchaîne contre toi, je veux affirmer une fois de plus ma solidarité entière vis-à-vis de toi. Je l’ai exprimée l’autre jour devant la chambre correctionnelle du Tribunal de la Seine. Je l’exprime à nouveau aujourd’hui.

Je me suis trouvé bien souvent en contact avec les volontaires des Brigades Internationales et notamment la 14e brigade « La Marseillaise » et j’ai pu constater personnellement combien tant à Barcelone qu’à Valence, à Madrid, dans les dépôts d’Albacète et de Mahora, comme sur les fronts de l’Elbre et autour d’Escurial, les combattants avaient pour toi la confiance que tu mérites.

 

Le rôle éminent que tu as joué dans l’organisation, la constitution des Brigades Internationales, tu peux la revendiquer avec fierté, avec la conscience d’un Français, fidèle à la grande tradition révolutionnaire de notre peuple.

 

Je te serre la main affectueusement, ton camarade Jean Zyromsky.

 

 Chapitre « Pour que ça change » (pp. 234 – 247)

 

« Le secrétariat du PCF a prétendu que j’aurai voulu la prise du pouvoir par le prolétariat en septembre-octobre 1944 ; c’est faux, elle n’était pas possible à ce moment-là, les conditions étant encore loin d’être réalisées. Mais comme nous l’avions établi à Alger, je demandais simplement que la participation ministérielle s’effectuât sur les bases des décisions du 7e congrès de l’Internationale Communiste. C’est à dire en développant l’action des masses populaires et en s’appuyant sur elles, comme je l’exposais publiquement sans cesse. Rappelez-vous ! C’était le seul moyen d’enlever des avantages décisifs pour la classe ouvrière. Jamais je n’ai appelé à la révolution socialiste, mais à soutenir les communistes membres du gouvernement pour faire appliquer le programme du Conseil National de la Résistance. »

[…]

« Subitement, sans qu’on explique pourquoi, dans les premiers jours de novembre, cette directive fut enterrée ; on n’en parla plus jusqu’au mot d’ordre exactement contraire lancé par Thorez peu après son arrivée (décembre 44) de Moscou : « Un seul Etat, une seule police, une seule armée ». Cela voulait dire suppression des Comités de Libération, transformation des comités d’usines (ou comités de gestion) en comités d’entreprise « de collaboration de classe ».

Les ouvriers furent appelés à des efforts exceptionnels pour remettre en marche les usines et les chemins de fer, ce qui était juste. Seulement le mot d’ordre « Produire ! Produire ! » restait seul répété pendant des mois des années ; il remplissait les poches des exploiteurs, calmait leur peur tandis que les ouvriers et leurs familles ne pouvaient vivre qu’au marché noir, ce rationnement par l’argent, donc le plus injuste. Tout mouvement révolutionnaire était freiné. Ce n'était pas le programme de la Résistance cela, le développement d’une « politique démocratique et sociales galvanisant les énergies populaires ». Ce n’était même pas l’égalité des sacrifices et encore moins le châtiment des traîtres ! »

[…]

 

« La France en marche vers le socialisme »

 

« Rappelons ce que disait Pierre Sémard : « La nationalisation des banques, des entreprises et branches d’industrie, qui s’effectue parfois dans les pays capitalistes bourgeois, est réalisée non pas contre les monopoles, mais à leur profit… En Angleterre, la nationalisation des mines a permis d’indemniser généreusement les rois anglais du charbon, puis de faire supporter par la nation la modernisation et la rénovation d’équipements démodés.

Il est donc mensonger de présenter les nationalisations, ce capitalisme d’Etat, comme « un progrès dans la voie du socialisme » comme « l’intégration dans le socialisme par d’autres voies (françaises) pacifiques ».

Cette affirmation, contraire à la vérité et à tous les principes socialistes révolutionnaires (marxistes) et léninistes a toujours été dénoncée par les communistes comme une duperie. Les grands capitalistes ne s’y sont pas trompés : il y a eu unanimité à l’Assemblée nationale pour voter ces nationalisations.

Toujours les marxistes, toujours les communistes, ont dénoncé « la conception d’intégration pacifique au socialisme » comme une duperie, comme une des grandes trahisons des dirigeants sociaux démocrates, particulièrement au lendemain de la première Guerre mondiale. C’est justement Otto Bauer et les dirigeants sociaux-démocrates autrichiens qui se disaient vraiment marxistes qui furent dénoncés par l’internationale Communiste. »

[…]

« Cette politique qu’ils menèrent à Vienne et en Autriche (i.e. les nationalisations, le capitalisme d’Etat) rappelée par Dimitrov, comme il est dit plus haut, sauva le capitalisme en 1918, sauva le capitalisme et aboutit finalement à la victoire du fascisme en 1934. C’est la confirmation de la doctrine marxiste-léniniste établissant que le capitalisme ne peut pas se transformer pacifiquement en socialisme. Et voilà que cette position social-démocrate contre-révolutionnaire a été défendue et enseignée aux cadres du PCF par mes calomniateurs, en particulier par Guyot. »

[…]

« En appelant à soutenir le gouvernement Mendès-France de «grands techniciens » (capitalistes), on a livré la classe ouvrière aux pires éléments réactionnaires, militaristes et colonialistes.

En abandonnant même l’évocation de la transformation révolutionnaire, on brise tout élan de la classe ouvrière et on paralyse, on détruit même le parti lui-même. Il s’agit donc du présent et de l’avenir de la classe ouvrière et du peuple français. Voilà tout le sens de l’affaire Marty »

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Waldeck Rochet, un Khrouchtchev français ?

 

 

Le parti communiste est né de l'aile gauche de la social-démocratie suite logique du courant républicain radical. Il s'agit aujourd'hui pour tout communiste qui veut rompre avec les effets droitiers de ces deux sources, qui se sont massivement maintenues dans le mouvement ouvrier, de déceler en quoi elles continuent de se maintenir au sein du positionnement du nouveau et jeune parti de 1920, en quoi elles l'empêchent d'accéder à une "pure" pensée (action) communiste. Le « léninisme » de la Gauche Communiste (bolchévisation puis "Classe contre classe") et sa tentative d'implantation sur 10 ans (1924-1934), qui s’oppose à celui des marxistes-léninistes, tout comme à celui des trotskistes et autres marxistes révlutionnaires,  échoue à faire rompre le PCF d'avec ses sources de droite. L'union électorale des gauches redevient le coeur du dispositif social-démocrate (Front-Unique, Front-Populaire), qui fait tenir aux deux tendances historiques un rôle surdéterminant dans la phase de transition.

 

L'échec de la tentative de faire de l'entreprise ( lieu de production) le nouveau centre du pouvoir révolutionnaire, sous ce principe, conduit au retour du parlementarisme, et à la domination absolue d'un idéal de rupture comme pur effet de la gestion et de la répartition étatique (sans analyse réelle et sérieuse des conditions de production),

L'entreprise devient le lieu d'élaboration et de gestion de deux visions du réformisme. Un syndicalisme de pure contestation sociale et un syndicalisme de gestion figure partenaire du parlementarisme. La grève générale est dans le meilleur des cas définitivement substituée à la grève de masse. Les rares cellules communistes ne travaillent plus à recomposer le procès de travail, en vue de remettre en cause la division technique et sociale du travail, elles s'emploient à faciliter la participation à la gestion, via les syndicats, et/ou à soutenir le gouvernement (gouvernement de gauche) dans ses choix d'orientation du devenir de cette entreprise.

Les deux politiques constituant le coeur de la déviation de droite du modèle social-démocrate : gestion, répartition, comme du modèle républicain de l’égalité du sujet de droit (droit de l’Homme), droit au travail etc. Ces modèles ne constituent en rien une remise en cause communiste des conditions de production et de reproduction des rapports de production. En ce sens, la forme publique, pointe extrême de la socialisation de ces modèles, ne peut devenir collectivisme, le capitalisme d'Etat continue de s'imposer, une bourgeoisie "rouge", dans les rares moments de rupture, se substituant à une bourgeoisie "blanche".

 

C'est au regard de cette histoire et de cet échec historique, qu'il faut replacer la lutte entre les 3 lignes et le rôle des acteurs qui les incarnent.

 

Comme Khrouchtchev, Waldeck Rochet est un paysan et pas un ouvrier (très exactement c'est un ouvrier agricole, catégorie plus marquée par la ruralité et sa logique de petits propriétaires, que par les grandes concentrations ouvrières). Il est donc porteur de la ligne politique qui s’impose au milieu des années 50, avec l’apparition de catégories sociales de plus en plus nombreuses qui n’ont pas comme devenir social le procès de prolétarisation. En ce sens le fait que deux figures historiques issues du milieu paysan (en France et en Russie) soient choisies pour incarner le renouvellement de la ligne centriste stalinienne, est porteur sans doute d’une modification historique des mobilités intra-générationnelles et inter - générationnelles, le devenir « être » du paysan ne passant plus par son ouvriérisation, mais par son intégration directe dans d’autres catégories sociales intermédiaires. Cette modification n’éveillant aucune interrogation de la part du parti « ouvrier » français quant au maintien sans dénouement de l’idéologie petite-bourgeoise du propriétaire dans celle du nouveau salarié non-ouvrier. Le "communisme" rural, comme le "communisme" citadin qui se construisent alors au dépend du communisme des entreprises, étant les meilleurs supports du retour du jauréssisme et de la substitution des catégories intermédiaires (cadres moyens, intellectuels et fonctionnaires) aux anciens cadres ouvriers dans le PCF.  

 

Historiquement, comme Khrouchtchev,  Rochet est le produit du centrisme stalinien (intronisé par Thorez pour la France) et en logique avec le plein développement de la ligne idéologique produit du tayloro-fordisme (production de grande séries, standardisation et pragmatisme de l'efficience), il met fin au culte de la personnalité, qui affirme la singularité du dirigeant politique comme intellectuel éclaireur, au profit de l’intellectuel organique facilitateur  ( bien analysé par Gramsci comme produit du taylorisme). L’ère est à la consommation de masse, à la production de masse à l’homogénéisation des conditions d’existence et de production des catégories sociales. Cette situation culmine avec mai 68 (mouvement étudiant en explosion sociologique, en conflit avec le mouvement ouvrier, pour la direction idéologique des catégories moyennes et populaires).

Rochet est un autodidacte de la culture s’intéressant à la philosophie et aux débats de l’époque, il est un produit du besoin historique de requalification d’un procès de production qui s’intellectualise dans les années 60 pour mieux en abaisser le coût ( procès de surqualification/ déqualifcation) mais aussi procéder à un repartage de la rente impérialiste au profit de l 'aristocratie ouvrière dont le PCF est devenu l'expression politique (suraccumulation -dévalorisation).

 

Coincé entre deux grandes figures du stalinisme et du post-stalinisme (Thorez, Marchais),  les historiens ont d'abord minoré son poids politique. Ce n'est qu'aujourd'hui que certains en accord avec cette ligne politique, n'hésitent plus à le présenter comme un représentant d'une ligne "néoboukarinienne" en France (voire l'intervention d'un historien du mouvement communiste au séminaire de Jean Salem à la Sorbonne sur cette question, en faveur d'ailleurs de sa réhabilitation comme clair porteur de cette tendance). Il est le principal initiateur de la mise en place du programme commun. Rochet à peur du coup de force militaire gaulliste, il veut la sortie "légale" du bonapartisme, il veut l’union de la gauche.

 

Sur la question tchèque et le poids de la zone soviétique au sein du mouvement communiste, il veut une modification de la gestion dans les pays socialistes et donc les faire redevenir des pays « comme » les autres, des états « démocratiques » qui puissent faire retour dans le jeu des "alternances" démocratiques.

 

Qu’y a-t-il de commun, qui y a-t-il de différent avec le khrouchtchévisme ? Autrement dit en quoi le mouvement de balancier qui va du centre (Staline-Thorez) vers la droite (social-démocratisme de l'union des gauches, eurocommunisme etc.) est dû à des facteurs externes, comme le pensent les milieux de droite, ceux de la social-démocratie ou des trotskistes. Moscou « imposant » sa ligne à ce qu’il reste de  " l’internationale communiste" dans un suivisme mimétique, ou à des facteurs internes, la voie naturelle de décomposition du centrisme, qui conduit à sa droitisation, comme nous le pensons personnellement. C'est la question centrale qui taraude toute l'histoire du mouvement communiste. La contradiction est-elle externe ou interne. La vérité historique oblige à dire que la fin de règne des centristes, finit toujours par une droitisation (C'est sous Staline et sous Thorez que les lignes Khrouchtchev et les lignes Rochet sont conçues et qu'un début de réalisation est mis en oeuvre, c'est sous Marchais (22ième Congrès) et Brejnev, néo-centrisme, que les lignes Hue et Gorbatchev sont elles aussi testées.)

 

Le centrisme stalinien accouche d'une ligne de droite et après le retour du balancier dû aux effets négatifs, car anti-ouvrier, de la mise en œuvre de celle-ci ,à nouveau dans l’autre sens, tentative est faite de mise en œuvre d’un néo-centrisme, qui cherche à contrebalancer les effets de dissolution des P.C dans le social-démocratisme, conduits par des lignes de droites. Mais comme ce néo-centrisme est incapable de se tourner vers une ligne de gauche, il finit par aboutir à une victoire définitive de l'aile droite. Après George Marchais (enfin, plus exactement, au milieu de la gouvernance Marchais (22ème congrès)):

 

 C'est la succession des lignes :

                                                   1) - Hue : liquidation du PCF pour se fondre dans un social - libéralisme républicain

                                                   

                                                   2) - Buffet (mouvementisme pour produire par absorption, un Die Linke à la française, une union de collectifs de "gauche"),

 

 - elle se termine aujourd'hui par la ligne,

 

                                                  3) -Laurent (soumission à la social-démocratie, et un hypothétique pôle de gauche, pour asseoir définitivement la                                                                         domination des élus sur le reste du parti).

 

 

Tout ceci au profit d’une illusoire réalisation de l'idéologie  des associations ex- courroies de transmission du parti, par substitution à l'idéologie historique du parti, qui vont constituer les meilleurs supports à l’apparition du mouvement associationniste et du mouvementisme ( syndicalisme d'accompagnement, antiracisme, genres, écologie, régionalisme, justice de partage caritatif et droit de l’hommisme etc. etc.).

La victoire du cours droitier se traduisant par une inversion d'influence entre le parti et ses organisations de masse. Ligne imposée par les anciens leaders du néo-centrisme , type Georges Séguy, qui a tout fait pour rompre le lien PCF - CGT, en réalité tout fait pour se débarrasser de l'idéal communiste au profit d'un partage des pouvoirs entre apparatchiks: au parti les mairies, au syndicat l'entreprise.

 

 Le néo-centrisme, en cherchant une tentative de geler la ligne politique d’un côté comme de l’autre (Brejnev, Marchais), appelée ère de la "stagnation" en Russie, s'enlise pour finir dans une droitisation finale qui dissout ces partis dans le mouvementisme, le régionaliste, le sociétal, et le social (syndicalisme d’accompagnement) etc.

 

 

C'est depuis la libération qu'il faut reprendre la question de la droitisation, par l' imposition de la ligne " Parti de gouvernement " mais c'est aussi avant-guerre qu'il faut voir en quoi le Front-Unique et le Front- Populaire, en concédant au républicanisme et au social-démocratisme, une hégémonie de fait dans la route qui mène au communisme, déplacent la contradiction, permettent de mettre en œuvre une ligne de masse, mais n'aident pas à la résolution des contradictions dans un sens communiste. Mise en œuvre d’un Républicanisme de Front- Populaire ou d’un Social-démocratisme de Front-Unique, qui accorde à nos partenaires une préséance politique au nom de l’unité de l’action.

 

Avec Rochet, la proposition d’un programme commun de gouvernement passe par l’affirmation que le partage de Yalta à bien définitivement clôt l’ère des révolutions socialistes, au profit d’un projet de « gauche » gouvernementale soumis à l’obligation des alternances. La dimension non révolutionnaire de cette perspective conduit à faire du changement, un pur effet du parlementarisme et du démocratisme électif. Mais immédiatement cette perspective pour le pôle de « radicalité » qui le soutien, le P.«C».F, place ce parti dans un déséquilibre d’influence, puisque seul comme Appareil Idéologique d’Etat au milieu d’un tissu de pouvoirs bourgeois (associations, partis, institutions etc.) il ne pèse rien. Il lui faut donc l’intervention populaire, mais une intervention qui ne menace jamais le parlementarisme, qui ne devienne jamais instance politique autonome, il y a donc appel (appel vain, car sans pouvoir réel et sérieux) au mouvement de masse, pour soutenir la potentielle aile gauche du gouvernement, mais sans que ce mouvement puisse s’emparer des leviers de décisions. Il n’est pas question de favoriser l’apparition d’un double pouvoir. En ce sens cette expérience s’oppose totalement au léninisme, c’est un pur social-démocratisme, même s’il présente des aspects de radicalités et des victoires dans le partage du surplus. Toutes les vraies politiques de gauche déboucheront sur des avancées sociales, mais aucune sur un renversement de la domination capitaliste. Et on peut, on doit, légitimement se poser la question, l'avancée sociale dans ce projet d'union de la gauche, n'a t'il pas pour objectif de nous faire renoncer à la révolution socialiste ?

 

Cette gestion social-démocrate, de la politique, fait du syndicat le partenaire obligé dans la mobilisation sociale, à la condition que celui-ci s’y retrouve (et il va historiquement de moins en moins s’y retrouver dans sa volonté d’autonomie) dans cette division du travail, le syndicat ne doit jamais remettre en cause les rapports de production dans l’entreprise, ou alors uniquement les rapports de propriété sous la forme de « nationalisations », ce qui renvoie à la forme parti le dernier mot, puisque c’est lui le « parti » de gouvernement qui gère et contrôle ce processus (la loi).

 

Autrement dit, renvoyé à la stricte gestion de la force de travail (les conventions collectives) le syndicat n’est pas appelé à remettre en cause le pouvoir dans l’entreprise, seulement à gérer le plus « socialement » possible la force de travail et sa reproduction.  Cette situation intéresse les syndicats (et donc la C.G.T) qui ne veulent pas qu’un pouvoir politique apparaisse à l’entreprise, qui pourrait contester les lignes de commandements, de division du travail, le procès de production, etc. qui doivent rester sous le pouvoir de la négociation sociale syndicale. Il y a donc bien division du travail entre gestion politique via le parlementarisme d’un côté et gestion sociale via le syndicalisme de l’autre. Le pouvoir politique émane donc uniquement d’une division sociale et géographique et plus du tout d’une possible remise en cause politique de la division du travail dans les lieux de production.

 

On comprend mieux pourquoi la ligne soviétique celle des "conseils" ouvriers n'a jamais été mise en oeuvre en France, mais ce qu'il y a de plus surprenant c'est qu'une ligne dite "léniniste" ne se soit jamais intéressée à cette question. Le modèle "soviétique" est sans cesse revendiqué mais son application sans cesse déniée. Le double pouvoir, le pouvoir ouvrier, celui des conseils est totalement occulté dans le P.C.F. Il n'y a place que pour le parti et pour le syndicat, jamais pour la classe dans son autonomie.

 

Aujourd’hui avec ces 37ème et 38ème congrès, le P.C.F atteint le point ultime de l’épuisement de la ligne politique contenue dans le glissement réformiste née de cette droitisation historique, qui après l’imposition d’une figure salariale et redistributive de la figure ouvrière, l’a vu se transformer en une figure sociéto-sociale du genre (sexué, régional, administrato-social etc. etc.), lignes Hue-Buffet -Laurent, il n’y a plus rien à piocher dans cette voie, elle s’est définitivement embourbée dans une impasse.

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