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Les courants du féminisme actuel

La question du féminisme est une question qui intéresse le mouvement communiste moderne depuis sa naissance dès avant les années 20. Ce courant qui traite de la question du genre, comme tous les autres, est traversé de contradictions qui se traduisent par des positionnements divers voire divergents.

 

Nous allons en redonner ici une histoire succincte.

 

Que faut-il entendre par féminisme, le féminisme est un courant qui se fixe pour objectif de définir, établir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale mais aussi juridique entre les femmes et les hommes. Par conséquent, donc, d’abolir l’inégalité d’accès et d’exercice de ses droits aux femmes.

 

 Il existe de nombreux courants au sein du féminisme qui s’interpénètrent, ou au contraire se différencient depuis plus d’un siècle.

 

- Le féminisme différentialiste : (avec des auteures comme Julia Kristeva, Luce Irigaray etc.) part d’une distinction essentialiste, il y aurait une essence de la femme qui se distinguerait fondamentalement de celle de l’homme et qui serait masquer par la domination idéologique du Patriarcat, qui déforme la perception du monde y compris chez les femmes. La différentiation d’essence serait liée à l’origine naturelle de la sexualité et à son rôle dans la reproduction biologique. Elle imprimerait sa marque sur la façon de voir le monde chez une femme comme pour un homme, avec des effets culturels par exemple dans les arts (La littérature d’expression féminine etc.), mais aussi dans la vie quotidienne, par exemple l’appréhension de la maternité différente suivant les genres sexués etc.

 

 - Le féminisme libéral : se réclame de l’égalité des droits et de l’indifférenciation des sexes dans l’espace public, se bat pour des réformes favorables aux femmes. Il lutte pour l’égalité de pouvoir entre homme et femme, mais pas contre l’inégalité économique et sociale en générale. Il combat donc les conséquences mais ne remet pas en question les causes. C’est un courant libéral bourgeois.

 

 - Le féminisme radical : Traite moins des conséquences (les inégalités, les discriminations) qu’il ne cherche à remettre en question les causes : l’oppression de la femme par l’homme. Pour ce courant, « Le machisme » est moins le résultat d’une essence de l’homme (féminisme différentialiste) que le produit d’un système ancestral : le « patriarcat » qui a imprimé sa marque à travers les modes de production successifs.

 

On peut distinguer en son sein 3 grands courants :

 

- Le féminisme anarchiste : valorisant l’individu contre l’oppression du groupe (dont la famille), il base la reconstruction de la cellule de vie et de production, sur le libre consentement de l’individu, qui s’applique aussi au genre et aux fonctions exercées : il revendique comme forme d’organisation de la vie, l’autogestion.     

 

 - Le féminisme socialiste : s’inspire des recherches des leaders du mouvement socialiste, notamment l’ouvrage d’Engels « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat ». Celui-ci a remis au goût du jour le concept de « patriarcat » issu des travaux des ethnologues et anthropologues dont Morgan. Le passage du stade de la cueillette et de la chasse à celui de l’agriculture et aux troupeaux a entrainé une redéfinition des missions autour du foyer et de sa préservation. La définition des statuts, fonctions et rôles étant dévolue désormais à une puissance paternelle qui assujettit la place de la femme et de la mère, la sanctifie et la domine par la masculinisation de la puissance divine, par l’expression physique et symbolique d’une canalisation de la violence dévolue aux hommes, au moyen de la puissance guerrière.

 

Fait partie, de façon indirecte, du courant du féminisme socialiste, le féminisme matérialiste, en ce qu’il n’est pas d’expression marxiste, mais simplement un produit de ses formes antérieures, tenant plus du socialisme utopique, ou du socialisme ricardien etc.  Il remet en cause l’analyse marxiste de la création de la forme valeur dans le cycle du capital. Ceci en niant que le salaire soit l’expression du temps social moyen de la reproduction de la force de travail, non pas du seul travailleur, mais aussi de la cellule familiale. En ce sens comme nombre de courants modernes, ce féminisme s’il est antilibéral, n’est pas anticapitaliste.

 

Comme les militantes socialistes pré-marxistes, du type de Flora Tristan, la femme au foyer de milieu populaire y devient la « prolétaire du prolétaire ». A ce titre et au nom de son individuation de genre sexué, elle doit considérer qu’il existe une connivence objective entre elle et une bourgeoise, voire pire, entre elle et une capitaliste, ceci en opposition à l’homme en général.

 

-Le féminisme communiste : avec la crise du Mouvement Communiste International, le féminisme communiste est soit nié, soit renvoyé à une sous-catégorie du courant socialiste, voire du courant matérialiste, avec des extensions modernes à la psychologie, la psychanalyse ou la symbolique (instances, structures etc.).

 

Sa filiation avec le courant du féminisme familialiste l’a aux yeux des féministes de l’individuation et de l’anti-genre sexué, définitivement rejeté du côté d’une expression archaïque, conservatrice. Et pour ce courant, comme tout le courant gauchiste de la modernité, ce qui est conservateur aujourd’hui, ne peut-être que réactionnaire.

 

Comment le courant communiste traditionnel considérait-il le marxisme au regard de la question féministe ?

 

L’analyse traditionnelle considérait le marxisme comme un familialisme, parce qu’il est un collectivisme. Pour le marxisme, la libération est toujours rééquilibrage d’une relation et non une négation de celle-ci. Dans le marxisme on est toujours au moins deux, on n’est jamais seul. Pour Marx, la libération ne passe pas par l’hypertrophie d’un « moi », qu’il dénonce particulièrement chez Stirner, militant anarchiste (« L’unique est sa propriété » titre célèbre d’un ouvrage de Stirner que Marx critique violemment) et donc d’une façon indirecte, qu’il dénonce au sein du courant féministe anarchiste. La libération de la femme ne passe pas par un retrait sur une île déserte, une robinsonnade féministe, où elle pourrait enfin s’extraire de « l’inculcation » d’un genre sexué, pour enfin redécouvrir son « Moi » profond. 

 

« L’essence humaine (homme ou femme) n’est pas une abstraction inhérente à l’individu pris à part (devenant par là l’Homme en général ou la Femme en général). Dans sa réalité, c’est l’ensemble des rapports sociaux » 6ème thèse sur Feuerbach de l’ouvrage de Marx : l’Idéologie Allemande.

 

Ce n’est donc pas dans « l’individu », genre de l’espèce, que se tient l’essence du rapport. Ce n’est donc pas dans une quelconque origine biologique ou inculquée (idéalisme) d’une féminité. Mais dans les « rapports » sociaux. Or comme dans beaucoup d’analyses de nature petite- bourgeoise, le courant féministe a tendance à réduire le concept de rapport social, à celui de relation sociale. Pourquoi le fait-il ?

Réduire le concept de rapport social à celui de relation sociale, permet de réduire, sans le dire, toute la complexité structurale des groupes sociaux (notamment l’existence des classes sociales comme produit d’un système), à une situation de face à face, médiée par deux individualités (autrement dit, deux supports biologiques). Cette interprétation à pour conséquence de nier l’effet structurel des institutions, notamment l’institution familiale, leur dimension « d’appareil idéologique » qui peut ainsi disparaître au profit d’un simple fonctionnalisme relationnelle.

 

Voilà comment certains réduisent une réalité, qui échappe au fait de conscience (l’exploitation issue de la division du travail), à une intersubjectivité.  Une simple relation homme-femme, qui peut être certes méconnue, avoir un effet d’aliénation, mais qu’une simple réappropriation, par une bonne prise de conscience, suffira à dénouer. Ceci par une identification en miroir de nos différences. « Tu dis cela, parce que tu es un homme ! », « Tu fais cela, parce que tu es une femme !».

 

L’individuation, sans claire distanciation avec l’individualisme ( type d’individuation tourné vers l’unicité spirituelle ou biologique), ne permet pas de remettre en cause l’origine de classe des contradictions qui traversent la socialisation des couples contemporains. Et naturellement le couple, le collectif, y devient un problème et plus la solution. La réduction du rapport à la relation à donc un effet de subjectivisation relevant du simple fait de conscience ce qui nie la profondeur de la contradiction, portée par la logique structurale, mais elle rate surtout l’essentiel qui est pour le marxisme que ce n’est pas seulement le rapport qui est important, mais la reproduction du rapport.

 

En niant au collectif, à la famille, un quelconque effet tant biologique que social, le féminisme réduit cette réalité à la présence de deux singularités. L’espace imaginaire ainsi créé enferme la relation dans l’échange d’un face à face sans fournir aucune explication aux conditions de la reproduction de cet échange. La progéniture y disparaît, la reproduction économique et sociale est niée, on ne traite que de l’échange dans le couple. Et bien entendu ce qui se noue peut être dénoué, par un retrait de l’un des échangistes.

 

Or tant par le fait de la loi de la valeur que par celle de la reproduction de la vie, la famille reste, pour le courant communiste traditionnel, le modèle normatif par quoi se reproduit la société. Ce qui l’inscrit dans le courant majoritaire d’appréhension des sociétés, comme un ensemble structurel ayant besoin de la conservation d'un même pour se reproduire (pour les communistes "conservation" ne veut pas dire réaction, sauf chez les gauchistes) même s’il existe en son sein des courants radicaux. Les deux tendances ont d’ailleurs été présentes dès l’origine. Par exemple, les deux militantes qui créent la journée du 8 mars au congrès de l’Internationale Socialiste de 1910, Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï deviendront d’importantes représentantes du Mouvement Communiste International. Zetkin incarnant une filiation familialiste (Au nom du « droit des femmes ») et Kollontaï intervenant en plus sur la libération de la femme (théorie de « l’amour libre »), ce qui lui vaut d’être taxée de libérale petite-bourgeoise en matière de mœurs, et d’existée, féministe radicale.  

 

Dans le PCF a existé un courant familialiste de masse, comme le montre la une de son mensuel "Heures Claires", « L’Union des Femmes Françaises » membre de la Fédération Internationale des Femmes née en 44, elle est devenue « Femmes Solidaires » en 1998 qui édite le journal « Clara ». Ce mouvement progressiste n’a pas seulement changé de nom, il a aussi quitté le familialisme pour adopter un point de vue plus en lien avec le courant radical. Cette situation de changement de positionnement tient aussi beaucoup à la disparition en son sein de l’aile plébéienne-ouvrière qui était sous influence syndicale (notamment de la C.G.T) et qui avait elle-même son journal « Antoinette ». Dans les années 70-80 un autre regroupement issu des rangs communistes a essayé de faire vivre, un point de vue révolutionnaire communiste au sein du PCF. Animé par la philosophe et psychanalyste Nicole Edith Thévenin, elle éditait une revue « Elles voient Rouge »,  nous avons publié plusieurs de ses textes sur le site.

N.E Thévenin a joué un grand rôle idéologique dans la lutte contre la tentation hégélienne et jeune-marxiste qui via le courant « lutte de classes » des féministes du L.C.R, a encouragé cette organisation à se transformer en N.P.A, au nom de la non- scientificité de la loi de la valeur (adoption d’une ligne néo-ricardienne favorisant une lecture du statut des femmes d’ouvriers comme « prolétaire de la prolétaire »). Mais étant elle- même sous influence du pôle de la critique de « toute économie politique »  au sein de la mouvance althussérienne (Etienne Balibar « 5 études du Matérialisme Historique » en ayant théorisé le concept) , elle lui a substitué une lecture freudienne ou c’est une logique pulsionnelle qui meut les contradictions (entre pulsions de vie et pulsions de mort) et conduit le mouvement des femmes à se battre pour une même logique que les hommes, la logique du pouvoir. Les femmes doivent donc entreprendre pour elles-mêmes et pour la société un double combat. Contre la domination patriarcale et contre la tendance naturelle à vouloir imposer un matriarcat (un patriarcat en miroir), dans une lutte pour s’approprier le pouvoir, alors que c’est le pouvoir lui-même qu’il faut remettre en question.

 

Concernant l’expérience concrète de la société soviétique. Le courant radical, via Alexandra Kollontaï, s’est essayé à favoriser la disjonction du noyau familial par une vision radicale du couple et des affinités affectives, ceci au début de la révolution d’Octobre. Cette situation intervenant dans un contexte de grande crise économique et sociale a abouti à un abandon massif d’enfants et via une explosion des divorces, à la production d’un grand nombre de familles monoparentales appauvries. La reprise en main par l’instauration du stalinisme a conduit à une inversion de valeur et l’imposition d’une vision traditionnelle familialiste conservatrice peu progressiste. Retour en arrière sur le droit à l’avortement, retour en arrière sur le droit de la famille, dans une vision patriarcale. Par contre, jamais le nouveau pouvoir des femmes acquis par la formation et l’accès à l’emploi ne sera remis en cause. Au contraire on peut dire que dans la vision soviétique de l’époque, au sens du féminisme différentialiste, la femme devient un homme qui s’ignore. Femme soldat, femme pilote, femme mineur, femme sidérurgiste, etc. le cinéma et la presse de l’époque sont pleins de ces nouvelles héroïnes.

 

 

Rappel : Théorie marxiste de la valeur et économie domestique :

 

La bourgeoise n’est pas l’alliée de la prolétaire, c’est son ennemi ; la femme de l’exploité n’est pas exploitée par lui, elle n’est pas la prolétaire du prolétaire. Elle est surexploitée dans sa fonction de ménagère par ceux qui attribuent un salaire à son conjoint (dont les bourgeoises-capitalistes), qui doit reproduire la force de travail, non pas du seul salarié, mais aussi de la cellule familiale. Quelle est la tâche de la ménagère d’une famille ouvrière ? C’est de faire correspondre le salaire nominal au salaire réel, c’est donc de lutter contre la paupérisation de la famille. Le salaire réel, c’est ce qui est historiquement nécessaire à la reproduction de la force de travail (familiale). Le salaire nominal c’est le pouvoir d’achat qui est distribué au seul salarié dont l’entrepreneur cherche à tout prix à ne considérer que sa seule personne (et c’est aussi pourquoi une majorité de conjointes sont aujourd’hui obligées de travailler).

 

L’économie politique marxiste est très claire sur ce sujet. Un revenu distribué ne devient capital que s’il donne lieu à marchandisation. Or le salaire de l’ouvrier n’est jamais capital, il ne participe donc nullement à l’exploitation de la conjointe. Pour qu’il devienne capital, il faudrait que le propriétaire de ce salaire revende les produits que l’activité domestique de sa compagne génère, y compris à elle-même. En réalité, le salaire part socialisé de la force de travail familiale, sert à reproduire celle-ci, l’activité non marchande générée par la conjointe, permet de lutter contre la paupérisation qui disjoint le salaire nominal du salaire réel. Si la ménagère de milieu populaire n’enrichissait pas la « matière première » nécessaire à la reproduction de la force de travail familiale, elle devrait l’acheter toute faite sur un marché (plats cuisinés, heures de ménages etc.) et ceci lui coûterait beaucoup plus cher, y compris pour elle-même. De la même manière, par la division sexuelle du travail (de moins en moins) les heures de bricolage et de travail gratuit fournies par le conjoint et destinées à toute la famille et pas seulement à lui-même ne transforme pas, les week-ends, l’ouvrier en prolétaire de la prolétaire.

 

Dans l’unité économique familiale moderne, la division sexuelle du travail est de plus en plus remise en cause dans l’accomplissement du travail gratuit. Les femmes bricolent, les hommes cuisinent et pouponnent. Surtout et en conformité avec le projet communiste, c’est dans la reproduction socialisée de la force de travail (achats extérieurs) que la cellule familiale cherche le possible gain de temps libre, mais comme ces produits sont plus chers, ils créent un phénomène d’entrainement dans la salarisation de la conjointe, qui doit à son tour se soumettre à l’exploitation. L’exploitation capitaliste produit donc un effet de « libération » de la force de travail féminine, mais paradoxalement en externalisant puis en marchandisant le travail gratuit, elle produit un effet de désolidarisation de la cellule familiale comme base de la reproduction de la force de travail [moins de temps passé ensemble, moins de travaux gratuits fournis conjointement, se traduisent par l’augmentation du nombre des divorces], c’est le développement d’une nouvelle unité économique, la famille monoparentale (essentiellement féminine), famille dont l’unité économique est particulièrement fragilisée par la faiblesse des revenus qui la constituent.

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