top of page

1914-2014 : Un siècle de lutte entre Réformisme et Révolution

   article paru dans Approches Marxistes

    revue de la Gauche Communiste du P.C.F

Nous avons cherché à resituer pour nos lecteurs le grand débat entre réformisme et révolution depuis la boucherie impérialiste de repartage du monde du premier conflit mondial, ceci au regard des sciences humaines économiques et sociales et de la définition de la personnalité citoyenne et sociale qu’elles proposent. Cette lecture nous permet de réactualiser le concept d’économie politique et son effet révolutionnaire, face aux prétendues sciences sociales, sociologisme, économisme néolibéral et juridisme qui eux en soutiennent un autre, d’autant plus conservateur qu’il s’appuie sur une vision psychologique qui survalorise l’individualisation par un recours à une vision biologique du vivant et de l’espèce.

 

 

Le modèle réformiste

 

 

A) Le processus révolutionnaire dans l’esprit réformiste du 19ème siècle jusqu’au milieu du 20ème siècle.

 

Quel est le point de vue dominant du mouvement ouvrier avant 1914, sous influence du courant réformiste ? Le socialisme ne peut devenir, pour lui, un stade de développement incontournable qu’à partir du moment où la classe ouvrière est sociologiquement majoritaire. Cela nécessite un haut niveau de développement du capitalisme, qui bien évidemment dans l’esprit réformiste n’est jamais atteint et cela rend caduque toute autre stratégie que la stratégie électorale, puisque si elle devient majoritaire dans le pays, la classe ouvrière n’a plus besoin d’utiliser un autre mode de transformation que celui du passage pacifique et électoral pour gagner le pouvoir.

 

B) l’incongruence moderne d’une pensée socialiste dépassée

 

Entre temps (aux alentours des années 1950-1960), le mouvement réformiste occidental, se rend compte que loin de s’inscrire dans un processus homogène de développement, les catégories sociales se transforment sous l’effet des mutations du capitalisme lui- même, la catégorie sociale ouvrière ne grossit plus et à même tendance à se réduire en Occident, au profit de nouvelles couches intermédiaires que le sociologisme réformiste va s’efforcer de constituer idéologiquement et politiquement en « classes » moyennes. Ces « classes » constituent le miracle que le réformisme attendait. Hier, la révolution n’était pas possible parce que le mouvement ouvrier n’avait pas encore atteint un niveau de développement, de force, de conscience, etc. nécessaire, aujourd’hui, elle devient obsolète parce qu’on est passé à un autre stade de développement, où les cols bleus ne sont plus une catégorie incontournable. L’important pour le réformisme étant toujours de bloquer toute possibilité de transformation réelle et sérieuse du capitalisme, en faisant de la pensée socialiste révolutionnaire une pensée obsolète parce qu’inadéquate et donc inefficace vis à vis de la période en cours. Dans ce jeu de dupe les sciences sociales vont jouer un rôle essentiel.

 

 

Le modèle révolutionnaire

 

A) Le modèle révolutionnaire de Marx

 

Marx s’inscrit complètement dans l’idée que le capitalisme par son développement et ses contradictions sociales engendre et augmente naturellement la catégorie sociale qui le combattra. Cette catégorie sociale ne peut, par la logique même du capitalisme, qu’être conduite à développer un processus révolutionnaire. Le problème provient de la nature de cette catégorie sociale, qui se révèle double. Elle s’incarne d’abord dans une catégorie sociologique, les ouvriers. Pourquoi les ouvriers ? Parce que le travail ouvrier permet sa concentration, sa parcellisation, sa spécialisation. Pendant tout le 19ième siècle et la première moitié du 20ième siècle, la catégorie sociale ouvrière se développe en Occident et se voit chamboulée et ballotée par la mise en place de technologies qui ont pour fonction d’en accroître l’exploitation. C’est la catégorie sociale qui connait la plus grande modification. Marx va donc s’intéresser au statut social et technique de l’ouvrier, il va analyser son procès de travail comme un procès exemplaire de ce que le capitalisme sait mettre en œuvre quand il souhaite exploiter une catégorie sociale. Le processus est explicité dans le livre premier du Capital. Marx va ensuite s’intéresser à ses revenus, ses modes de consommation (son habitat : La question du logement, via Engels) etc. il est donc conduit à utiliser après le référentiel économique, un référentiel sociologique. C’est cette situation d’exposition qui va produire l’ambiguïté de compréhension dont le réformisme va chercher à se servir pour disqualifier le « prophétisme » marxiste.

 

En effet le discours économique comme le discours sociologique utilise le terme de « classe » pour renvoyer à une catégorie sociale, or les deux projets dans leurs modes de catégorisation ne renvoient pas aux mêmes lois de population.

 

Le projet économique part d’un référentiel technologique : la manufacture, la fabrique, l’usine, etc. la disposition des machines, l’organisation du travail, qui liées à un circuit économique, celui du capital que cette organisation génère, aboutit à une différentiation de nature des revenus qu’elle engendre : le profit ou les salaires. Marx décide de se référer au terme de « classe » comme facteur explicatif de l’existence de ce travail exploité (appelé travail productif) et par opposition, il met en avant un travail non exploité (appelé travail improductif) qui lui engendre une bourgeoisie. L’analyse économique marxiste met en lumière qu’il existe une classe productive et une classe improductive. Une classe rémunérée par un profit (devenant capital, quand il est réinjecté dans le processus productif) le travail improductif et une classe payée avec des salaires, le travail productif ( qui lui est soumis au procès de valorisation, comme travail exploité).

 

Pour Marx ce qui est déterminant en dernière instance, c’est qu’il existe une classe de travailleur productif et que c’est cette classe qui est le moteur du processus révolutionnaire. Elle l’est par le fait que le capitalisme est obligé sans arrêt de s’attaquer à elle pour modifier ses conditions de travail et la soumettre à un degré d’exploitation supérieur. C’est ce phénomène que l’analyse antihumaniste du courant marxiste met en avant, quand elle affirme que la première « relation » d’exploitation est une relation qui lie un sujet (le travailleur) à un objet (la machine, le produit), et que le premier acte de lutte des classes est un acte d’intensification de l’exploitation, médié par un objet.  Ce qui fait que, même s’il n’y a pas manifestation directe entre deux personnalités (le patron et l'exploité), même s’il n’y a pas réaction consciente du monde du travail, il ya lutte de classe car il y a exploitation. La lutte de classe n’est donc pas une lutte pour le partage des fruits de la croissance (entre salaires et profits), la lutte de classe, à son moment premier, est lutte entre l’intensification d’utilisation d’une technologie et un individu qui y est soumis. La lutte de classe est permanente, la prise de « conscience » consiste à ne pas se laisser abuser par la relation sujet-objet, la relation homme- machine, mais à percevoir que derrière la machine se cache le pouvoir humain du patronat.

 

Par ailleurs il existe une catégorie sociale dite ouvrière, qui se caractérise par son travail comme activité et qualification, sa consommation, l’intitulé de ses rémunérations etc. Elle forme un ensemble sociologique cohérent et se distingue des employés, cadres moyens, paysans etc. Il se trouve que le sociologisme utilise lui aussi le terme de classe, pour comptabiliser et distinguer ces catégories. Mais pour le marxisme le sociologisme est un moteur annexe des bouleversements sociétaux, il est essentiellement un résultat, mais le moteur principal est le produit de l’économie, le produit de l’exploitation.

 

Alors pourquoi Marx s’est-il contenté de parler de classe « ouvrière » ?  Pour une double raison, le processus technologique le plus simple et le plus massif à être introduit, permettant de chambouler les conditions de production et d’existence matérielle à son époque se situait dans les usines. Il était le plus visible et le plus évident, le plus « facile » à étudier. La catégorie sociale la plus massivement soumise à l’exploitation était la catégorie sociale ouvrière, à l’époque surtout, tous les ouvriers étant largement employés dans les usines. Par ce qu’elle vivait économiquement, la classe « ouvrière » est donc devenue symboliquement la classe phare des bouleversements à venir. C’est ainsi qu’on a pris l’habitude de parler de mouvement ouvrier pour désigner le mouvement révolutionnaire, mais beaucoup de révolutionnaires et d’exploités n’étaient et ne sont toujours pas des ouvriers.

En effet le travail productif, le travail exploité, loin de se résorber a eu tendance à s’étendre, la classe productive a donc continué de croître, du milieu ouvrier elle s’est généralisée au milieu des employés, des cadres etc. Et si l’on en croit même Marx dans le livre IV du Capital, le travail productif peut concerner le patronat lui-même, ceci pour autant qu’on puisse le démontrer. Ainsi peut-on dire qu’un artisan est un capitaliste- ouvrier, il est propriétaire de ses moyens de production et il s’auto-exploite quand il se transforme en travailleur manuel.

 

Un nouveau Livre 1 du Capital, actualisé à nos conditions modernes de production devrait donc, par exemple restituer l’histoire et les conséquences chez les employés du passage du crayon ou du porte- plume au système de classement par cartes perforées puis à l’ordinateur dans l’augmentation du degré d’exploitation des employés de bureau entre le 19ième siècle et notre période contemporaine.  Un autre chapitre pourrait concerner l’histoire du passage des caisses mécaniques aux caisses automatiques, puis aux scanners, pour rendre compte de l’évolution des conditions d’exploitation des vendeuses du commerce, etc. etc.

 

( C'est la différence frontale que nous avons dans l'analyse des conditions d'exploitation avec les tendances de droite et centriste du mouvemen ouvrier, ceux-ci font des découvertes scientifiques une politique de bisounours, que de méchants capitalistes détourneraient de leurs missions universalistes. Ce "socialisme" des ingénieurs, nie le phénomène historique d'approfondissement de l'exploitation via les bouleversements technologiques, il externalise la contradiction antagoniste née au sein du collectif de travail entre division manuelle et division intellectuelle, pour en faire un pure problème de recherche fondamental relevant des laboratoires et des universités. Il reporte sur le système scolaire, la crise du procès de travail et il n'offre à la classe ouvrière que le choix de voir ses valeurs trahies en se soumettant à la division du travail, ou mieux encore, trahies par ses propres enfants devant se soumettre à la névrose de classe du système méritocratique de l'ascenseur social.)

 

Le réformisme va donc se servir du sociologisme, pour combattre l’économisme et pour essayer d’invalider « le prophétisme » marxiste. La classe ouvrière n’est pas ou n’est plus révolutionnaire : parce qu’elle n’est pas en nombre suffisant, parce que ses modes de consommation se sont modifiés, parce qu’elle est remplacée par d’autres catégories sociales dans le procès de production, parce qu’elle partage des valeurs communes avec les catégories proches etc. etc.

 

Dans cette justification l’analyse économique et son cœur d’explication, le travail exploité, le travail productif, sont complètement escamotées.

 

C’est ce dont va se servir la tendance réformiste aussi bien au sein de la social-démocratie que du parti communiste pour justifier son renoncement à tout projet de bouleversement révolutionnaire. Les classes moyennes, les catégories intermédiaires deviennent l’objet d’un véritable fantasme, quant à leurs places et par leur supposé refus de s’engager dans un processus contraire aux intérêts du capitalisme. Ainsi, les classes moyennes tourneraient le dos au processus révolutionnaire : parce que leur mode de consommation est différent, parce que leurs croyances et valeurs sont autres, en un mot parce que leurs intérêts seraient contraire à l’univers socialiste. Une autre tendance du réformisme sociologisant va certes rendre compte de l’évolution technologique, mais ce sera pour en faire un panégyrique démontrant que toute évolution en ce domaine est favorable au monde du travail. C’est particulièrement le cas du courant poststalinien qui continue en matière économique à survaloriser la toute puissance des forces productives. A l’époque du Khrouchtchevisme, ce sont tous les discours sur la cybernétique notamment d’Oscar Lang, aujourd’hui se sont toutes les illusions véhiculées par un prétendu progressisme de la révolution informationnelle. Il s’agit toujours d’aboutir à une prétendue collusion d’intérêts entre les exploités et les autres, les « ouvriers » et les classes moyennes. Qui devenant sociologiquement majoritaires, nous dispenseraient désormais de la nécessité d'un projet révolutionnaire, autre qu'électoral.

 Pour nous révolutionnaires, la seule question qui vaille est la suivante : ces catégories sont elles projetées dans un processus de prolétarisation et de surexploitation généralisés, autrement dit d’une mise en œuvre concrète d’un travail productif ? Oui ou non ? Si elles le sont et à notre avis elles le sont de plus en plus, alors il leur faudra bien à un moment ou à un autre choisir vers quel devenir social elles veulent se diriger. A ce moment précis, elles auront besoin d’une organisation de combat qui aura gardé le cap et pas d’un vague rassemblement démocratique soumis aux aléas des pensées « branchées » du moment.

 

B) Le modèle Léniniste : ni économie, ni sociologie,  la politique :

 

Nous avons vu que le réformisme se sert du sociologisme pour contrebalancer le « messianisme » du marxisme qu’il rattache à un prétendu mécanisme de l’économie.

Lénine, lui, face à cette difficulté va introduire une autre rupture. Pour lutter contre le sociologisme, il va réduire l’influence de l’économique au profit du politique.

Qu’est-ce qui transforme une situation sociale conflictuelle économiquement comme sociologiquement en situation révolutionnaire ?

Pour lui, c’est la politique. Ainsi Lénine répond- il au courant réformiste que ce qui fait de la classe ouvrière une classe révolutionnaire ce n’est pas son poids sociologique, mais son influence politique. Le fait qu’elle soit là dans les circonstances données pour jouer un rôle hégémonique. Le mode de développement du capitalisme russe fait de l’ouvrier russe de 1917, l’ouvrier qui a les moyens politiques d’introduire le projet révolutionnaire et de le conduire à une solution victorieuse.

 

Il ne veut pas se servir du point de vue économique qu’il juge lui aussi dans son fonds social- démocrate, puisque la lutte des classes à l’entreprise peut toujours perdre en conflictualité politique au profit d’un compromis économique (gains salariaux, amélioration des conditions de travail etc.).

 

La constitution en classe n’a donc d’importance que si elle se traduit en expression politique. La classe ouvrière tant sociologiquement qu’économiquement n’a d’importance que pour autant qu’elle se révèle être la classe antagoniste de la bourgeoisie capitaliste, qui doit conduire à l’avènement d’une société sans classe.

 

Le projet léniniste d’égalitarisme politique présente l’avantage d’externaliser la contradiction socio-économique en décontextualisant la situation de citoyenneté de celle de producteur. Dans le modèle du communisme léniniste la richesse produite se présente comme une immense accumulation de marchandises à laquelle le citoyen (sujet politique) peut accéder au travers du salaire socialisé, c’est-à-dire une part de plus en plus égalitaire de travail social à laquelle tout membre de la communauté peut prétendre. Dans un même temps qu’il se politise le sujet sort de l’entreprise par une substitution du travail mort au travail vivant, d’une augmentation de la productivité engendrée par le processus industriel lui-même. La machine complexe engendre le travail complexe et la réduction significative du temps de travail. Il y a donc augmentation de la qualification du travail en même temps que réduction d’utilisation du temps de celui-ci.

 

Le fameux modèle démocratique de la république patricienne athénienne comme romaine, modèle idéalisé dans la sociologie politique, peut donc connaître une juste résolution. Alors qu’il est dans la controverse Lénine- Kautsky, mis en avant par Lénine pour prouver que le système le plus idéalement démocratique peut vivre de façon concomitante avec le pire système d’exclusion sociale (l’esclavagisme), affirmant ainsi que la prétendue démocratie bourgeoise est bien un système d’exploitation et de dictature pour ses exclus du pouvoir. « l’asservissement » de la machine (en remplacement de l’esclavage) permettra enfin de connaître la libération de tous les citoyens de la société sans classes.

 

Il se trouve que ce modèle se heurte à l’apparition d’une bureaucratie décontextualisée du projet économique et qui va superviser la part de revenu social qui doit revenir à chaque citoyen, tout en essayant elle-même d’échapper au procès d’exploitation. C’est ce que met en avant dès 1920, l’Opposition Ouvrière Russe. En rompant avec le sujet économique pour en faire un pur sujet politique, Lénine ne réussit  qu'en partie à échapper aux contradictions portées par le sociologisme, ceci avec plus ou moins de bonheur,

[ Un exemple frappant est donné par la fameuse controverse sur l’indépendance de la Norvège vis-à-vis de la Suède en 1905. Le mouvement ouvrier révolutionnaire est divisé sur la question, le courant réformiste porté par sa vision sociologique estime que chaque peuple doit se prononcer vis-à-vis de ses propres intérêts et donc voter ensemble, toutes catégories sociales confondues, en fonction de ses références culturelles (langue, coutumes, valeurs), une partie du mouvement révolutionnaire porté par la vision économiste de classe estime, lui, que le mouvement révolutionnaire doit choisir la meilleure situation de développement et échapper au sociologisme qui divise. C’est le cas de Rosa Luxemburg, défavorable à l’indépendance de la Pologne vis-à-vis de l’Allemagne et de la Russie, du retour de l’Alsace-Lorraine dans le giron de la France, au nom de la lutte contre la division du mouvement ouvrier, mais aussi parce que ces deux entités se sont nettement développées grâce à leur intégration à ces zones plus riches. Lénine, partisan du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (politique) répond dans cette controverse, que chaque adhérent est libre de choisir un point de vue de vote ou un autre à la condition de ne pas faire référence à des intérêts communs avec ses adversaires de classes, il dénonce en particulier les illusions sur la défense de valeurs culturelles communes. Il défend donc un point de vue anti-sociologique mais il a beaucoup de mal à en combattre les effets. Comment expliquer à un ouvrier norvégien que la langue, la culture, les mœurs etc. ne jouent pas un rôle dans les valeurs partagées.]

il noie le lien que toute société a avec l’économie et le fait que l’existence d’une classe se détermine essentiellement, pour un marxiste, par l’économique, favorisant malgré lui la mise en place d’une bureaucratisation sociale.

 

Le modèle soviétique de développement restera jusqu’à sa chute un modèle surdéterminé par le politique. Rien ne se fait sans le plan d’Etat et aucun plan n’est validé sans l’accord du parti.

 

 

La boucherie impérialiste de 1914-1918 clôt une phase historique de développement du capitalisme

 

La confusion va aussi être portée par le fait que la distinction entre sociologie, économie et politique, par la définition du sujet social que le système génère, a tendance à disjoindre acte de production et acte d’appropriation. Elle se sert pour cela de la psychologie qui introduit une rupture entre économie et politique au profit d’une naturalisation du sujet cherchant dans le biologique, le vivant, la justification d’une individuation « sociale » de l’espèce.

 

La psychologie (ses analyses des phénomènes conscients) nourrit l’analyse des faits sociaux comme produits d’agrégations volontaires et non comme résultats de mécanismes inconscients ou masqués. La psychologie nourrit le sociologisme et idéologise dans un sens petit- bourgeois l’économie. Elle s’épare l’économie de la politique, pour en faire comme la sociologie un résultat de ses mécanismes (ses calculs). La « main invisible » de la nouvelle économie politique bourgeoise est le fruit d’une non-conscience et pas d’un inconscient, le social est un produit de la relation (la grégarité de l’espèce) et pas le fruit d’un rapport, la domination d’un système.

 

La boucherie impérialiste, par le massacre de masse qu’elle institue, remet les pendules à l’heure, sur le sens réel que la prétendue liberté individuelle de chaque sujet généreusement distribuée par la simple existence d'un mode de production capitaliste.

La première guerre mondiale révèle la crise permanente et définitive de la citoyenneté sous la forme idéalisée du sujet « bourgeois », offrant dans ses ambitions, l’horizon d’un possible devenir capitaliste pour tous. Elle est l’acte fondateur d’une scission irréconciliable entre possession formelle (juridique) et possession réelle. Par l’existence d’un mode de production capitaliste à dominante monopoliste et impérialisme, tout sujet économique se voit désormais réduit à être projeté d’un côté ou de l’autre de la barricade impérialiste. Salarié prolétarisé ou bourgeois devant pour se maintenir chercher à devenir bourgeois- capitaliste.

 

Le stade de développement concurrentiel qui dominait jusqu’à lors cherchait à faire de chaque être humain un sujet économico-politique, lui accordant des droits en le fixant comme « citoyen » d’un espace géographique. Cette figure idéale du « droit de l’hommisme », codifiée dans la déclaration française des droits de l’homme, fut par la suite subsumée, au moment de la pleine domination de l’occident, dans la déclaration universelle adoptée par l’ONU en 1945. Ce modèle d’humanisme née de la confluence entre révolution bourgeoise anglaise, révolution américaine et révolution française, a fait de tout être humain un « sujet » ayant des droits, un sujet de droit, que la philosophie , l’économie, la psychologie et l’ensemble des sciences humaines et sociales naturalisent en créant la fiction idéologique d’un droit « naturel » humain, basé sur des capacités biologiques particulières au sein du vivant.

 

En France, dès le XVIII siècle, c’est la haute figure de Robespierre qui incarne cette représentation idéalisée. En cherchant à stabiliser le capitalisme via l’éternisation d’un statut de sujet bourgeois, ou plus exactement « petit-bourgeois ». Ce modèle type véhiculé par les Déclarations, les Constitutions, la Philosophie des Lumières (Descartes, Kant, Rousseau, Voltaire etc.), inscrit la personnalité dans le cadre étroit de ce que l’homme « ordinaire » peut subjectivement et objectivement s’approprier. Mais dès le départ Robespierre se heurte au réalisme de Danton qui représente lui les intérêts réels et matériels des capitalistes- bourgeois cherchant à tout prix à mettre en œuvre l’ accumulation primitive du capital par l’accaparement et le repartage des biens féodaux et cléricaux. Le modèle Robespierriste fait de tout citoyen un « égal-égo » potentiel en même temps qu’un citoyen. Pour cela, il est reconnu dans ses aspirations égalitaristes par tout le mouvement socialiste qui lui succède.

 

 La défaite du Robespierrisme ferme définitivement la porte, d’une mise en œuvre d’une internationalisation de l’ensemble de ces valeurs et représentations. Robespierre est la première et la dernière figure d’un sujet bourgeois comme sujet potentiellement révolutionnaire. L’égalitarisme robespierriste du sujet de droit « petit-bourgeois » échoue sur la réalité du développement concret du capitalisme, qui se développe malgré, la philosophie, malgré l’humanisme, malgré les valeurs fictionnelles d’un stade resté purement idéologique, donc, par essence obsolète.

 

1830 et 1848 sont les derniers soubresauts d’une fiction idéologique rencontrant le mur des réalités. 1871 inscrit la représentation dans le cadre du réel. D’idéal à atteindre la figure du petit-bourgeois passe bientôt à celle d’une domination à dénoncer, d’une dictature à renverser.

C’est dans les valeurs mêmes qui fondent la subjectivité individuelle, comme personnalité sociale assurant un consensus social incarné dans un Etat qu’il faut désormais chercher les marques de l’oppression.

 

La rupture prend la forme d’une triple remise en cause, introduisant celle d’un bouleversement de l’analyse du sujet économique. L’histoire du développement économique du capitalisme montre clairement qu’entre 1850 et 1914 l’apparition des trusts et des monopoles inverse les conditions du marché, désormais se sont les grands groupes qui en fixent les conditions d’existence. Le prix n’est plus essentiellement déterminé par la rencontre d’une offre et d’une demande, mais par la capacité de la firme à s’accaparer un monopole. Donc le marché n’est plus le lieu où l’égalitarisme des coéchangistes se réalise, où deux subjectivités cherchant à maximiser leurs intérêts, peuvent fixer en "conscience" les quantités et les prix nécessaire à l'échange . Le marché n’en est que le théâtre. L’existence de la petite et de la moyenne entreprise ne sont plus le fruit d’un développement naturel de la libre concurrence, mais le résultat d’une mise en sous-traitance pyramidale visant à jouer sur le coût du travail dans une optique d’une claire prolétarisation de la force de travail. Autrement dit, on multiplie les entreprises sur un même segment de production non pas pour accroître l’offre de produits, mais pour baisser le coût du travail.

 

C’est à ce moment précis, que la fiction d’un sujet économique tout puissant connaît un nouveau développement idéologique avec l’apparition d’une nouvelle interprétation de l’économie classique. L’école dite de l’ économie « néo-classique » triomphe dans les milieux politiques bourgeois alors même qu’est mis à mal les valeurs politiques qui en avaient fait la grandeur (Le Robespierrisme) , c’est en effet dans un même mouvement que la réaction assassine la possibilité d’un débouché politique à tout sujet (psychologique, sociologique , juridique et économique) de citoyenneté qu’elle affirme par ailleurs « tout puissant » dans la fiction économico-idéologique qu’elle produit (l'égalitarisme de marché, le calcul rationnel, parce qu'en conscience, de tout coéchangiste)). On ne comprend pas la véritable haine de soi bourgeoise que véhicule la réaction anti- robespierriste (antijacobine, antifranc-maçonne, antirépublicaine etc. etc.), si on ne comprend pas la contradiction explosive que contient le modèle de subjectivité bourgeoise quand il se veut universelle, alors même que ses conditions politiques doivent en être réduites pour ne pas que les masses comprennent que ce modèle est devenu dans la réalité économique concrète un modèle obsolète.

 

Si le modèle de subjectivité et d’individualité existentielle (philosophique, psychologique, économique etc.) s’écroule, c’est le modèle même qui fixe la citoyenneté et la souveraineté qui s’effondre, l’Etat n’apparait plus alors comme une transcendance de volontés particulières s’agrégeant en volonté commune, mais bien pour ce qu’il est, un pur instrument de domination.

 

C’est dans ce cadre conflictuel qu’il faut resituer la question de Jaurès et du jauressisme. Oui, Jaurès à raison de mettre en avant la contradiction dans laquelle la bourgeoisie se retrouve vis-à-vis de ses propre valeurs, mais il a tort de vouloir, comme hier Robespierre, en bloquer les conséquences, dans la définition d’un sujet « citoyen » qu’il cherche à valoriser et éterniser, à travers le « droit de l’hommisme », comme un idéal  type petit- bourgeois (le modèle de la Révolution Française). Le modèle républicain de Jaurès est bien la digne continuation progressiste du Robespierrisme, mais faire du robespierrisme avec un siècle de retard, alors même que l’on connaît durant la même période le passage total à l’ère de l’impérialisme de monopoles, c’est développer un conservatisme source future d’un réformisme contre-révolutionnaire.

 

C’est avec cela que Lénine nous appelle à rompre. Etre bolchévik, c’est reconnaître que la citoyenneté bourgeoise se heurte à la contradiction entre vécue sociologique ou psychologique et vécu économique et politique.

Est-ce que Lénine arrive à rompre clairement la contradiction ? C’est aujourd’hui ce dont nous doutons, mais en douter ne veut pas dire que nous ne nous inscrivons pas dans une filiation.

 

Pourquoi sommes- nous aujourd’hui de fiers enfants de Lénine en claire opposition au jauressisme ?  Pas seulement parce que le républicanisme, le droit de l’hommisme laïc et démocratique ont épuisé leurs forces révolutionnaires comme  propulsives pour paraphraser feu le parti communiste italien. Mais parce qu’à notre tour, un siècle après la réalisation de la première révolution prolétarienne victorieuse, nous devons entreprendre l’analyse et le bilan du léninisme. Ce n’est pas en tournant notre regard vers deux siècles en arrière, que nous arriverons à avancer et à sortir du marasme idéologique dans lequel nous sommes embourbés, c’est au contraire en tournant clairement notre regard vers notre objectif, notre futur et en regardant les pas qu’ils nous restent à faire.

 

Notre objectif : Le Communisme 

 

Qu’est-ce que le communisme ? Ce n’est pas une libération de subjectivités individuelles fusent-elles aliénées (mythes du libéralisme bourgeois et du libéralisme "marxiste" de la fin de l'histoire) dans un milieu sans caractéristiques comme notre malheureuse direction en défend aujourd’hui le modèle, en valorisant la question des genres, le mouvementisme, le laïcisme etc. C’est au contraire par la reconnaissance que notre environnement est bien le fruit d’un système qui a sa logique propre et que cette logique échappe à la volonté des sujets qui la composent dans l’affirmation contradictoire de leurs subjectivités. C’est une « volonté » collective, un contre- système ayant sa logique propre que nous devons impulser. Mais précisément parce que c’est un système et non le fruit d’un environnement neutre mû par des fonctions relationnelles et subjectives, que l’économie politique continue d’impulser ses mécanismes au moyen d’une « main invisible », la loi de la valeur continue de jouer et si nous ne voulons pas qu’elle se traduise par la réapparition d’une nouvelle bourgeoisie, qui ne peut à terme que restaurer la propriété privée, il faut supprimer les mécanismes qui rendent possibles les conditions de son apparition. 

 

Pour un communiste,

après le Capitalisme d'Etat, quoi?

Aujourd’hui que l’heure du bilan théorique et pratique du courant communiste s’impose, la question fondamentale de la distinction entre stratégie et tactique revient au centre de la problématique révolutionnaire. Les stratégies de Front-Populaire et de Front-Unique permettent les liens pratiques avec ce que les Sciences politiques appellent le Républicanisme et le Social-Démocratisme. Courants historiques du Mouvement Ouvrier progressiste, qui permettent de penser la construction tactique d’un « Etat » démocratique (Etat de droit, Etat Social) mais ces deux courants ne sont pas la solution à la question du communisme comme phase historique, dont la réalisation oblige à penser et réaliser la mise en œuvre d’une disparition de l’Etat.

 

C’est pourquoi 1 siècle après Octobre, il nous semble plus que légitime de nous poser la question du bilan du léninisme et celui du déroulé qu’il suppose pour aboutir à une société sans classe.

 

« La discipline que Lénine à en vue est inculquée au prolétariat non seulement par l’usine, mais encore par la caserne et par le bureaucratisme actuel, bref par tout le mécanisme de l’Etat bourgeois centralisé. » 

 

Rosa Luxemburg in « La Révolution Russe » ouvrage écrit en prison.

 

Cette phrase choc de Rosa ne peut avoir à nos yeux qu'un seul intérêt celui de comprendre comment un tel jugement peut naître dans l'esprit d'une autre communiste.

 

La confusion qui règne aujourd’hui autour des concepts de « Liberté, fraternité, et surtout égalité » conduit à confondre et substituer des phases historiques. A appeler « communisme » toutes les formes historiques particulières d’égalitarisme. C’est particulièrement frappant pour la catégorie de sujet de « droit » qui constitue le cœur du républicanisme, mais aussi de "sujet sociéto- social" du social-démocratisme. Le socialisme du droit au travail, comme celui du hors temps de travail, celui des droits, à la culture, aux loisirs etc., en faisant de tout citoyen, un fonctionnaire, un sujet réconcilié, dans toutes les parties de sa vie, avec le droit, tous les droits, uniquement soumis à une théorie de l'affectation déconnectée des conditions de production ( des biens comme des services, quelques soient leur nature), fait de l'existence de la forme étatique, une phase indépassable.Ceci a permis de nourrir historiquement le mythe d'un « Etat » « Ouvrier », sans ouvrier faisant fonctionner l'Etat, où la lutte des classes cesse, sans que la classe ouvrière (classe productive) ne soit jamais devenue classe dominante, classe régnante, autrement qu' à travers un parti, ce qui a conduit le Mouvement Communiste International à confondre règne du parti et règne de la classe.

La mise en œuvre du projet léniniste dans l’entreprise proposait de valider le taylorisme, puis le tayloro-fordisme comme processus efficaces, parce que neutres, de division du travail, où la systématisation de leur implantation produisait d’un côté, un encadrement de mise en œuvre et de gestion et de l’autre un prolétariat (une classe ouvrière déqualifiée) qui ne devait pas résister  à la division technique et sociale, mais s’y soumet volontairement pour en tirer une baisse du coût de production des biens et donc permettre une hausse du pouvoir d’achat des masses.

 

La domination du procès de travail capitaliste dans l’entreprise devant être compensée par une diminution du temps de travail, qui favoriserait la participation des salariés à sa gestion via les syndicats. Le syndicalisme issu du modèle « léniniste » n’étant pas un syndicalisme de contestation de la division du travail, ne s’intéressant pas à l’élaboration du procès de travail, mais seulement à ses effets sociaux (qualification, répartition), en vue d’aboutir à la production d’un pur sujet politique.

 

Le léninisme, comme idéologie de la formation sociale soviétique et du camp socialiste, a donc cherché à mobiliser un salariat déqualifié (ce qui avait pour objectif masqué de combattre l’aristocratie ouvrière jugée plus favorable au syndicaliste de métiers et plus réformiste) projet qui favorisant une main d’œuvre historique d’origine paysanne (aujourd’hui main d’œuvre immigrée) a permis le développement des pays arriérés. Tout  ceci par imitation d’une industrialisation efficace car standardisée et donc s’opposant à la lutte contre l’effet de surqualification du travail proposé dans les métropoles impérialistes, pour maintenir une domination dans le procès production et la rente différentielle qui s’en dégage. La lutte contre l'impérialisme a donc aussi été le résultat d'une diffusion du modèle de l'usine kit d'assemblage, universalisable par la "simplicité" de ses lignes de production.

 

Le modèle léniniste a donc voulu la démocratie de gestion et la démocratie de délibération, mais paradoxalement pas dans le procès de production. Ce qui fait que la lutte contre la bureaucratisation espérée par la participation de tous à la vie sociale et sociétale s’est trouvé contrecarrée par la mise en œuvre d’un despotisme de fabrique, où c’est une puissance créatrice extérieure qui a pu ainsi imposer ses choix (socialisme d’ingénieurs et de gestionnaires).

 

Déjà dans son ouvrage « Lénine, les paysans, Taylor » paru aux éditions du Seuil, l’historien et sociologue Robert Linhart constatait :

 

« Gouvernants de l’Etat , comptables improvisés, citoyens libres appelés à participer de multiples façons à l’organisation de la vie sociale, les travailleurs de l’industrie soviétique sont pendant la durée du travail , voués à jouer le rôle de rouages entièrement subordonnés à un procès d’ensemble censé leur être imposé par des exigences techniques- par l’intermédiaires des « spécialistes » et cadres dirigeants du travail ».

 

-  Lénine, les paysans, Taylor - Robert Linhart p 107-

 

Cette catégorie que Staline appellera « Les intellectuels » et qui sont les dirigeants effectifs et les bénéficiaires directs de la nouvelle phase historique qui s’ouvre, cherche à rester en lien direct avec les techniques de l’anciens mode de production.

 

La poursuite du processus a pu ainsi retrouver une division classique fruit du scientisme, puisque pour cette vision idéologique la déqualification du travail se traduit par une substitution au geste du singe asservi mécanisé, ceci au nom de la réduction du coût du travail, au profit d'une production de machines robotisées produit d’une requalification (résultant d'un engineering de conception),des moyens de travail qui à leurs tours deviennent un problème de coût, etc. etc.

 

Mais ce modèle de mise en boucles (de travail qualifié conduit à se déqualifier pour un problème de coût, et ainsi de suite) conduit à chasser le travail vivant de l’entreprise, au profit d’une dichotomie entre acte productif et répartition sociale. On aboutit dès lors à notre société actuelle où un tout petit nombre de salariés actifs peuvent être mobilisés pour produire une quantité suffisante de marchandises au côté d’une masse grandissante d’inactifs chassés du marché du travail et soumis à la dimension sociale d'une affectation peau de chagrin (bourses d’élèves en âges de travaillés, indemnisation sociale du chômage, minimas sociaux , retraites avant l'heure produit du "courage fuyons" le lieu de production).

 

Le modèle de Lénine en considérant que la classe ouvrière n’a pas de valeur propre à faire prévaloir, mais que sa fonction historique consiste à faire disparaître les classes sociales (économiques) en les expulsant mécaniquement du lieu de production, pour faire apparaître un pur sujet politique (sociéto-social et consommateur) bénéficiaire d’une affectation du surplus, produit de lieux de production sans salariés, veut résoudre la question du : « Qu’est-ce que le communisme ? »

 Mais par sa réponse : « c’est un sujet de droit (droit au partage et à la justice de partage), dans un pur environnement politique et sociéto-social, d’une formation sociale » ne rompt pas avec le jauressisme républicain et en favorise la réapparition dans les P.C social-démocratisés. La question républicaine et la question social-démocrate ne peuvent être les réponses efficaces au communisme, même si aujourd’hui elles constituent l’univers dans lequel nous évoluons, ceci tant que l'Etat se maintient (Etat capitaliste, Capitalisme d'Etat, Socialisme d'Etat). Pour les résoudre dans un sens de classe, il faut poser la question du communisme, qui git dans la production et les conditions de reproduction des rapports de production.

 

Dans le marxisme- léninisme mis en œuvre par Staline, qui accentue les défauts du léninisme, plus rien ne fait barrage à une stagnation historique dans le "mode de production" socialiste et son non déclin de l’appareil d’Etat, par la généralisation du modèle du fonctionnaire comme archétype de « l’administration » des choses, qu'il propose. Logique avec lui même, comme nous le montrons dans "lire Staline aujourd'hui partie 1", ce dernier escamote la catégorie sociale dont il défend les intérêts objectifs « La bourgeoisie d’Etat », pour affirmer que l'URSS n'est plus une société de lutte des classes.

 

(sans rapport, mais à souligner quand même, c'est le même subterfuge qu'utilise Friot dans son modèle hors-sol de sécurité sociale où lui aussi escamote les catégories sociales qui la font vivre [ quel est le statut dans sa construction, des représentants dans les instances paritaires (sont-ils des productifs (des exploités) dans leur mission ?, mais surtout quel est le statut des agents de la sécurité sociale ? Sont-ils des exploités ? Vendent-ils leur service sur un marché, dégagent-ils de la plus-value ? Tout cela est encore une fois un produit de l'illusion christiano-libertaire de la gratuité, du non -marchand et du caritatif, au sens plein du terme une idéologie de cureton.]

 

 Avec cette lecture particulière du léninisme, la part de conseillisme issu de l’entreprise qu’il contenait, peut redevenir un pur parlementarisme, expression du pouvoir "politique" comme division catégorielle mais surtout comme expression d’un lieu géographique et ainsi l’emporter sur le lieu de production et sa division technique.

 

Ce modèle efficace à l’instauration du capitalisme ou de toute société en phase de démarrage économique (par exemple, capitalisme d'Etat russe de la révolution d'octobre) se révèle problématique dans le capitalisme ou le socialisme développés, il génère de la bureaucratie, par manque de pratiques effectives des techniques de production et gestion de l’appareil d’Etat, par les exploités eux-mêmes, bureaucratie qui sous Staline prend la forme de violences antidémocratiques.

 

Les communistes doivent se référer à leur passé pour ce qu’il a permis de poser l’existence de la première société de rupture avec le capitalisme libéral. Ils doivent aussi en se référant à Lénine proposer d’en dépasser le modèle pour ouvrir à la question du communisme, qui est aujourd’hui la question centrale et qui impose de ne plus éterniser la phase socialiste de la transition.

 

Vouloir en revenir au seul modèle issu de l’Internationale Communiste, sans dresser un bilan de ce qui a échoué, ce n’est pas répondre aux causes de la déviation de droite, c’est reprendre le même déroulé sans analyser ses erreurs.

bottom of page